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ni guider les travaux de la charrue, ni supporter les fatigues des voyages. S'il est difficile d ’évaluer avec exactitude la population des villes de l’O rient, il est presque impossible de connaître celle des contrées occupées par des peuplades errantes. Dans le premier cas, on a du moins sous les yeux plusieurs points de comparaison, d’où l’on peut tirer des inductions très - approchantes ; dans le second , au contraire, tout est incertitude, puisque l’inconstance des Nomades dans le choix de leur demeure et la durée de leur séjour, trompe sans cesse les investigations du voyageur : au défaut de preuves, il faut alors se contenter de renseignements. En contrôlant tous ceux que j ’ai pu réunir sur le nombre des habitants de la Marmarique, je crois m’approcher de la vérité, si je suppose que chacune des tribus que je viens de nommer soit composée de trois cents tentes, et chaque tente de quatre habitants des deux sexes. Selon ce calcul, le plus étendu que je puisse admettre, la population de tout le pays compris entre Alexandrie et les montagnes de la Cyrénaïque, s’élèverait environ à 38,ooo ames, dont la moitié seulement serait armée. Parmi ces 19,000 hommes armés, je ne crois point qu’il faille en compter plus du cinquième qui possède des chevaux, ce qui porterait le nombre des cavaliers à 4,000 au maximum. Dans ce calcul de la population de la Marmarique, j ’ai dû comprendre ceux des Harâbi qui habitent sa partie occidentale. Quoique les mêmes causes produisent chez ces différentes peuplades à peu près les mêmes effets, néanmoins, comme ces derniers font partie de la grande famille qui occupe la Pentapole, et qui sera le sujet d’un examen particulier, je ne les comprendrai point, pour plus d’exactitude, dans le tableau rapide que je vais tracer, spécialement consacré à la célèbre tribu des Aoulâd-Aly. Depuis que Mohammed-Aly est parvenu à attirer dans les villes les chefs les plus remuants de la nombreuse tribu des A ou lâ d - A ly (r), ces Arabes ont bien déchu de leur ancienne réputation. La bravoure et les exploits AesAoulddrAly, consignés encore dans des chansons populaires, les rendaient autrefois redoutables à tous leurs voisins. Ils profitaient du moindre trouble qui survenait dans les principales villes de l’Egypte, et dont ils étaient quelquefois les fauteurs, pour fondre à l ’improviste dans les bazars, et disparaître aussitôt dans les solitudes, alors inaccessibles, avec le riche butin qu’ils confiaient à la vélocité de leurs juments. Ils occupaient alors, en majeure partie, tout le pays qui s’étend depuis l’Egypte jusqu’à la grande Syrte; et de leurs camps innombrables qui couvraient ce vaste littoral, se détachaient des corps de cavalerie qui se dispersaient dans les déserts du sud, allaient faire contribuer les Oasis, s’emparaient des caravanes d’esclaves, et poussaient leurs courses audacieuses jusqu’au fond de la Nubie. Mais, par un contraste singulier, ces hommes farouches et spoliateurs hors de leurs camps, devenaient humains et hospitaliers dès qu’ils y rentraient; de plus, ces moeurs paraissent communes à tous les Arabes qui habitent les différents déserts; un écrivain justement célèbre l’a observé long-temps avant moi. Devenus plus paisibles, moins nombreux et plus resserrés dans les limites de leur domaine, les Aoiddd-Aly, tels que je les ai vus, composent une société dont il m a paru difficile de déterminer le gouvernement. On pourrait le nommer aristocratique, mais il en aurait tout au plus la forme, sans en avoir l’effet. Leurs cheiks n’exercent qu’une autorité précaire, et qui est moins le résultat de la force que celui de la réputation et de l’estime dont ils jouissent dans la tribu. Depuis l’époque que je viens de rappeler, ils font confirmer leur titre, il est vrai, par le pacha d’Égypte; mais de retour dans leurs camps, le bernous d’honneur qu’ils ont reçu du prince, loin d’être le signe du pouvoir et du ralliement, serait celui du mépris et de l’abandon, si les suffrages de la tribu n’avaient précédé ceux du pacha. En effet, cette faveur du souverain d’Égypte, sans secours pour la faire valoir, deviendrait au moins illusoire; le cheik ne diffère en rien des simples Arabes; aucun signe du pouvoir ne l’entoure, aucune ressource pour l’établir n’est à sa disposition : ses trésors sont des troupeaux plus nombreux; ses gardes sont ses proches et ses enfants. Aussi, ne pouvant exercer l’autorité par la violence', il l’obtient par la libéralité et la douceur. Devant sa tente est un grand prolongement, espèce de caravansérail du désert, où sont accueillis tous les voyageurs, où l’on célèbre les grands repas, enfin où se réunissent les plus âgés de la tribu pour délibérer sur les affaires pressantes. J’ai été témoin de ces délibérations : elles 9-


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