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. "Les troupeaux de gazelles suivent les sinuosités des vallées et s’avancent rarement jusqu aux bords de la mer : quoique leurs mouvements soient moins prompts que ceux du lièvre, néanmoins l’élasticité de leur çorps et l’inégalité de leurs bonds réitérés parviennent à lasser les meilleurs sou- louks et à les dérober le plus souvent à leurs poursuites. Ce joli anima], dont les formes gracieuses et la pétulante vivacité sont si souvent l’objet des .comparaisons poétiques des Arabes, est tellement connu que je ne saurais rien ajouter aux portraits que l’on en a déjà faits. Les sables reçoivent l’empreinte de ses pâtes bifurquées, et trahissent ainsi sa fuite et sa retraite ; mais dans les terres durcies ou rocailleuses de la Marmarique, qui 11 offrent pas le même secours à l’Arabe chasseur dépourvu de soulouk, un autre indice, quoique moins certain, lui sert à reconnaître à peu près l’époque et le lieu du passage des gazelles.'Crest 1 odeur de musc qu exhalent leurs crottes, et qui est plus ou moins forte selon qu elles sont plus ou moins récentes. J’ai remarqué que toutes les plantes aromatiques du désert , et particulièrement le statice tubifora (1), nommé hachich-el-gaztil par les Arabes, sont les plus recherchées par les gazelles. Le loup d’une petite.espèce, le chakal, l’hyène, le hérisson, le rat et la gerboise, connue sous le nom dedipode par les anciens sont les autres quadrupèdes que l’on rencontre encore dans la Marmarique. Parmi les reptiles, le plus inoffensif est sans contredit la tortue, que l’on trouve fréquemment dans les plaines sous des touffes de broussailles. Le céraste qu’échauffèrent dans leur sein les sables brûlants de la Libye, redoute, en hiver, les pluies de la Marmarique, et se réfugie dans les cavités des citernes ruinées; ou il se trouve en société des scorpions, des lézards et. d’autres espèces de cette hideuse famille dont je n’aimais guère à déranger le repos. Dans la saison où je parcourais ce pays, il ne me parut pas très- riche en insectes; des sauterelles, l ’araignée, la fourmi, un grand nombre de scarabées, entre autres le scarabæus-sacer, sont les seuls (r) Statice pruinosa, Vivia. Flor. Liby. specim. p. 17. ‘(S) Hîhod. l . IV , 192. l e s anciens ont donné ce nom à la gerboise, à cause de l’extrême brièveté des jambes de devant et de la longueur de celles de derrière. que j aie vus. Sans doute l’oeil exercé de l’entomologiste aurait trouvé dans ceux-là memes des caractères nouveaux ou intéressants, et en aurait distingué d autres qui ont échappe à mes regards. Je ne rangerai point parmi ces derniers une' quantité prodigieuse de petits limaçons blancs qui couvraient presque tous les végétaux., et leur donnaient l’aspect d’une floraison générale. Quelques Arabes les mangent, sans autre assaisonnement que de les jeter par poignées sur des broussailles allumées.; ils ont le soin, il est v rai, d en relever quelquefois le goût avec des sauterelles d’une grosse espèce, et qui ne subissent pas d’autre préparation : mais ce ne sont que les plus pauvres d’entre eux qui recourent à ces mesquines ressources pour leur nourriture; et s’ils ont conservé de pareils usages, c’est sans doute pour ne point faire du tort à la mémoire des Libyens .leurs prédécesseurs V i/î ~ ! ’ Dans un pays totalement dépourvu de forêts, et où la vue d’un arbre est un phénomène, les plus jolies espèces d’oiseaux, celles surtout qui nous charment par leur mélodie, doivent être bien rares. Habituées a chercher sous des dômes de feuillage un abri contre les rayons du soleil, et un asile aérien pour y confier leur naissante postérité, elles détournent leur vol de cette contrée nue et inhospitalière, et le prolongent jusqu’aux riants bosquets de la Pentapole. Aussi parmi les nombreux habitants de l’a ir, ceux qui fréquentent habituellement la Marmarique sont bien en rapport avec la tristesse de la contrée : leurs chants ne sont que des cris sinistres; et s’ils se meuvent, c’est pour chercher une proie. Je voyais fréquemment l’aigle, le milan, le vautour, planer sur les troupeaux; des bandes de corbeaux se pressaient autour d’un cadavre isolé, tandis que des hiboux et des chouettes étaient tapis dans les crevasses des rochers ou sous les décombres des ruines, pour se dérober àla clarté du jour. Les bords de la mer n’offraient pas un spectacle plus riant : l’alcyon, la cigogne, l’oubara et d’autres espèces d’oiseaux aquatiques, ressemaient tantôt à des points immobiles au.milieu de la surface des lagunes; ou bien, rangés sur le rivage en ligne régulière, tranquilles, ils laissaient (1) Héhodote, 1. IV , 162»


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