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ingrat qu’ils habitent reprend un peu de vie et de fraîcheur qui doivent être si passagères. Dans les climats plus favorisés du ciel, où chaque saison produit ses fruits, le moment des récoltes a dû être celui des réjouissances, puisque l’une succède à'l’autre, et que l’on a toujours devant soi un nouvel espoir suivi de nouveaux biens. Il n’en est pas de même dans la Marmarique : la terre, avare de ses dons, ne produit qu’une fois dans l’année, et pour des moments de courte durée. Dès qu’elle a accordé à l’homme ce faible secours, aussitôt elle se décolore; tout dépérit : les troupeaux errants, cherchent dans quelques coins des vallées, le petit nombre de végétaux échappés à l’ardeur du soleil. Alors, tandis que nos vergers se couvrent de fruits, tandis que les vendangeurs parcourent nos coteaux, l’habitant de cette contrée ne voit autour de lui qu’une nature muette et frappée de mortalité ; il languit dans sa tente, et cherche à tromper ses ennuis par des récits fabuleux ou des lectures pieuses. Ces Arabes profitent aussi des moments où la végétation se renouvelle pour, célébrer leurs fêtes de famille. Durant une de mes excursions dans la grande plaine de Z a ’rah, je fus témoin ,d’une de ces fêtes qui m’intéressa par sa nouveauté : je vis une jeune épouse, montée sur une espèce de tréteau que l’on avait assujetti sur deux charrues traînées par des juments, Une mesquine couronne de seneçons, emblème de la stérilité du sol, fixait sur sa tête un grand mouchoir en soie bariolé de couleurs éclatantes, qui tombait en replis sur ses épaules. Une musique bruyante, produite par de gros coquillages de mer et des ghandours (i), précédait la nouvelle mariée, et parcourait avec elle en triomphe les tentes des familles alliées ou amies. Quelques cavaliers entouraient le cortège; ils représentaient une petite guerre, en poussant à toute bride leurs juments les unes contre les autres, et faisant de fréquentes décharges de leurs armes à feu. A part le plaisant effet que produisait le grotesque attirail du char triomphal, ces images de guerre autour d’une jeune épouse, cette joie tumultueuse sans gêne comme sans désordre, me donnèrent une juste idée des moeurs à-la-fois simples et belliqueuses de ces nomades. (i) Autrement dits tabls, espèces de tambourins. E T LA CY R ÉN A ÏQ U E. . 43 Tandis que nous continuions à parcourir la plaine de Z a ’ rah en nous dirigeant vers le nord-ouest, j ’aperçus dans le lointain, aux bords de là mer, un port spacieux que les Arabes nomment Marsah-Soloum, et qui me parait être celui de Panormus, où Ptolémée fait terminer le nome Libyque ( i) , et qu’il place du côté occidental de la vallée du Catahathmus. Dès que nous fûmes arrivés à l’extrémité ouest de cette plaine, nous trouvâmes plusieurs puits creusés avec soin dans le roc à une très-grande profondeur. Ces puits, d’origine antique, sont garnis à leurs bords de petits bassins creusés également dans le ro c , mais qui paraissent, à cause de la grossièreté du travail, appartenir à une époque plus moderne. De Biar-Zemlèh nous descendîmes le plateau de YAkahah, beaucoup moins élevé du côté occidental et d ’une pente plus douce. Dix minutes nous suffirent pour arriver du sommet à la base. Là, nous entrâmes dans la vallée de Daphnèh, formée d’un côté par la même chaîne des montagnes de YAkabah, qui se prolonge par sinuosités dans l’ouest, et de l’autre par une ramification de petites collines décrivant une ligne parallèle à ces montagnes. Au-de là de la plaine de Z a ’rah, on ne trouve plus les Aoulâd- A l j ; à Daphnèh commence la nombreuse tribu des Harâbi, les guerriers, qui habitent exclusivement toute la Pentapole Cyrénaïque. Dès que ma caravane eut pénétré dans la vallée, nous vîmes tout-à-coup, en détournant un de ses coudes, une si grande réunion de tentes, que nous eûmes lieu d’en être surpris. Serrées les unes contre les autres, elles tapissaient les flancs de la vallée, et formaient une haie, au milieu de laquelle nous étions forcés de passer. Une grande agitation paraissait y régner : me rappelant alors la mauvaise réputation des Harâbi, je fis placer mes Nubiens à côté des effets les plus précieux, et précédant ma caravane de quelques pas, je m’approchai non sans anxiété du défilé inévitable. J’aperçus bientôt plusieurs cheiks qui montèrent à cheval et se dirigèrent sur nous, suivis d’une foule d ’autres Arabes à pied. Selon l’usage admis dans le désert, lorsqu’il y a sujet de méfiance (i • Cell. Géog. anti. t. II, p. 67.


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