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mêlées avec du sable qui leur donne une couleur jaunâtre, et plus ou moins rocailleuses, nous offraient à chaque instant des traces d’anciennes habitations, des citernes à sec ou dont le plafond était écroulé. En général, le sol de la petite Ahahah est plus élevé, et sa surface est plus inégale que celui de la vallée Maréotide. Xes terres labourables y sont plus souvent croisées par des élévations stériles et rocailleuses. Cette disposition du terrain continue à être la même durant seize heures de marche, depuis Aarsah,- l.eJjf'ith jusqu à Chammès, où nous arrivâmes dans la soirée du 18, sans avoir rien vu de remarquable en parcourant cette distance. Dans ce dernier lieu est un château sarrasin, connu par Edrisi (i) sous le nom de la tour Alschemmas. Ses murs, construits très-grossièrement, conservent encore toute leur hauteur; intérieurement, il est divisé en trois pièces ; deux canons de fer sont à demi enfouis parmi les décombres. Des puits très-profonds, et sans doute antérieurs au château, attirent auprès de Chammès tous ceux qui traversent cette contrée. Parmi ces voyageurs, il en est une classe dont j ’aurais déjà dû faire mention, d’autant plus que leur fâcheuse rencontre m’avait plus d’une fois causé des inquiétudes qui se renouvelèrent plus vivement encore à Chammès. Ces voyageurs, nommés Hedjadjs, pèlerins, viennent de divers points de la Barbarie, et se rendent à la Mecque pour y visiter le tombeau du Prophète, ou bien ils retournent de leur voyage, qui le plus souvent n’est rien moins que pieux. Ce sont, la plupart, des gens de la dernière classe du peuple, et des paresseux qui préfèrent les hasaçds d’une vie errante et parasite aux soins de se procurer par le travail une existence dans les villes. Réunis en nombre indéterminé, ordinairement de dix à quinze, n’ayant pour équipage que deux peaux destinées à contenir l’eau et la farine; le corps drapé par un bernous ( Voy. pl. IV, 2 ) , ils se répandent dans les déserts, infestent les contrées qu’ils parcourent, ne suivent aucune direction dans leurs courses vagabondes, accostent tous ceux qu’ils rencontrent, et passent ordinairement la nuit dans les tentes des (1) Troisième Cii. p, y 3. Arabes, où ils reçoivent l’hospitalité, eu égard à leur prétendue destination. Malheur au voyageur isolé, qu’un funeste hasard fait tomber au milieu de ces troupes de hedjadjs ! Ils lui demandent d’abord, au nom du Prophète, à partager ses provisions de bouche et quelquefois même ses vêtements. Si celui-ci refuse, et s’il oppose de la résistance, c’est pis encore : ils tirent de dessous leur draperie un couteau à deux tranchants dont ils sont toujours munis ; ils entourent de tous côtés l’infortuné voyageur, afin qu’il 11e puisse s’enfuir; et bien souvent, après l’avoir dépouillé totalement, ils ne lui font pas grace de l’existence. Peu de jours s’étaient passés, dans le cours de notre voyage, sans que nous eussions rencontré des bandes de ces pèlerins ; on m’avait mis en garde contre la perfidie de leurs intentions, et je devais employer la plus grande fermeté pour les faire éloigner de ma caravane. Il était plus difficile de s’en débarrasser lorsque nous étions campés ; il fallait alors les menacer de faire feu , et ce n’était qu’après nous avoir accablés d’invectives que notre bonne contenanee les engageait à nous quitter. On demandera pourquoi les Arabes permettent que ces vagabonds commettent avec impunité de pareils désordres ? On peut répondre que le fanatisme est le plus puissant des palliatifs, et que le voyage des hedjadjs étant considéré comme oeuvre sainte, on devient moins rigoureux sur les moyens qu’ils emploient pour l’exécuter. D’ailleurs, lâches comme tous les malfaiteurs, ils n’attaquent jamais que des personnes isolées, ce qui aide à-la-fois la poltronnerie des coupables et les dérobe plus facilement aux investigations des habitants. Il faut aussi ajouter que dans le nombre de ces pèlerins il en e s t, mais bien peu, dont les intentions sont réellement pieuses et qui ne commettent jamais de mauvaise action. On ne doit pas confondre avec ces hedjadjs des pèlerins d’une classe plus élevée, que l’on désigne par le même nom. Ceux-ci forment des caravanes quelquefois très-nombreuses, surtout celles qui viennent de Maroc et de Fez. Elles s’élèvent parfois à deux ou trois cents personnes , parmi lesquelles on compte souvent des femmes, et à trois ou quatre cents chameaux. Ce voyage leur offre- un double but : le zèle religieux s ’y 5.


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