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les Hadjis ( i ) , de s’arrêter dans les lieux où ils sont situés, d’implorer la protection du Cheik défunt, et de réciter auprès de ses mânes quelques versets du Coran. Je vis à Berek-Marsah un de ces tombeaux ; il est de grand renom parmi les habitants de la contrée. La vue des offrandes pieuses qui couronnaient la tombe révérée, m’offrit un spectacle curieux dans ce lieu solitaire : des lampions que les Arabes venaient allumer lors des grandes fêtes, et des étoffes de différentes couleurs, suspendus ensemble à des bâtons, s’agitaient dans l’air, et se confondaient souvent avec les tresses de cheveux que les femmes bédouines y avaient déposées; des verreries , des oeufs d’autruche, et d’autres offrandes encore plus bizarres que j ’y remarquai, attestent la pauvreté de ces nomades et leur aveugle crédulité. Le 17 , en nous dirigeant toujours vers l’ouest, après trois heures et demie de marche dans un terrain rocailleux, nous arrivâmes à Boun-Adjoubah, vallée fertile, bornée du côté de la mer par une dune de sables, et par des collines peu élevées du côté opposé. Nous retrouvâmes dans ce lieu des palmiers dans tout le développement de leur végétation; hors quelques rejetons à Berek-Marsah, nous n’avions plus revu cet arbre depuis notre départ d’Alexandrie. Des bouquets de figuiers, groupés avec les dattiers, donnaient à cette vallée un aspect pittoresque, et surtout agréable pour nos yeux, habitués à la nudité du désert que nous avions parcouru. Je comptai jusqu’à dix puits creusés à 20 mètres de profondeur, et contenant une eau très-douce; deux piliers, construits par les Sarrasins , s’élèvent à leurs côtés ; un soliveau fixé entre eux sert encore à placer la corde pour puiser l’eau. Les Arabes modernes ont entouré ces puits de murs, tant dans l’intention de les garantir de l ’invasion des sables, qu’afin de clore de petits jardins maintenant abandonnés. Sur la colline qui borde la vallée au sud, sont les vestiges de deux édifices, dont il ne reste plus que les fondations. Une de ces ruines s’appelle Kassr BourSouéty, du nom d’un cheik arabe du corps des (1) Rélèrins qui se rendent à la Mecque. Acheibeât. Ce cheik a long-temps résidé dans ces lieux, où, par le secours des puits, il faisait cultiver des jardinages, et soignait les palmiers et les figuiers qu’on y voit en grand nombre. J’ai dit plus haut que Berek-Marsah était habité lorsqu’il était l’entrepôt du commerce des Aoülâd-Aly. La fertilité de la vallée de Boun- Adjoubah , et sa proximité de Berek, attiraient auprès d’elle une grande partie des camps qui couvraient alors cette partie du littoral. Bou-Souéty s’était fortifié dans les ruines de ce dernier lieu, mais ces frêles fortifications furent détruites, et ses habitants éprouvèrent le même sort que ceux de Berek, lors de la catastrophe dont j ’ai fait mention. La position avantageuse de Boun-Adjoubah, ses puits nombreux, les traces d’anciennes habitations, et sa distance de P aroetonium(\ j , autorisent à reconnaître dans la situation de ce lieu celle du bourg A p is , consacré à la religion des Egyptiens. Suivant Scylax, Apis était la limite de l’Egypte; il est remarquable que Boun-Adjoubah sert encore aujourd’hui de point de démarcation entre le gouvernement d’Egypte et celui de Tripoli. Il serait curieux de connaître la cause du choix que les modernes ont fait de ces limites : au premier abord, elle offre un nouveau témoignage aux nombreuses preuves que nous pouvons citer, sur le respect que les habitants conservent pour les anciennes traditions. Nous quittâmes Boun-Adjoubah dans la même journée du 17; à trois heures de distance, à l’ouest, nous traversâmes un profond ravin nommé Arghoub-Souf, à l’embouchure duquel est un petit port (Ma rsa h- Lebéithj.- Le pays que nous parcourions, depuis la petite Akabah, avait presque toujours le même aspect et le même caractère : des terres argileuses, (1) Strabon place Paroetonium à cent stades à'Apis, et je n’ai mis que trois heures et demie (marche de caravane) pour me rendre des premières ruines aux secondes ; ce qui correspondrait tout au plus à quatre-vingts stades de six cents au degré; néanmoins, comme les distances calculées par les heures de marche sont sujettes à des variations, et que Strabon a quelquefois employé des stades d’une plus grande étendue, je ne crois point que cette légère différence puisse empêcher de reconnaître l’emplacement d'Apis dans les ruines de Boun-Adjoubah. WÊÈ3M 5


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