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Le 16, après six heures de marche au N.-O. de Kassaba-Zarghah, nous arrivâmes auprès d’un por t, qui présente une position maritime M. Oudney a négligé de nous apprendre si ces caractères formaient des inscriptions suivies : il dit,il est vrai, qu’ils sont écrits indifféremment de gauche à droite, ou de droite à gauche, ou horizontalement ; ce qui, loin de prouver aucune série réelle entre eux, semble indiquer, au contraire, dans la position de ces lettres, le même désordre que j ’ai observé dans celle des signes. Des indigènes ont articulé devant les voyageurs le son de ces caractères, mais aucun ne les connaissait tous, et néanmoins M. Oudney a observé que plusieurs paraissaient tracés très-récemment. Or si personne parmi les Touariks ne connaissait toutes ces lettres, comment pouvaient-ils en faire usage? et s’ils en faisaient usage, n’auraient-ils eu d’autres livres que des rochers? Remarquons maintenant que tout Ce qui paraît invraisemblable comme lettres d’un alphabet, s’explique naturellement comme signes de tribus arabes. Presque tous les Touariks sont nomades, assure M. Oudney (t. I , p. 71). J’ai dit que tous les nomades d’Afrique (*) et de plusieurs autres pays, ont l’habitude de distinguer leurs tribus par des marques qu’ils tracent très - souvent sur les monuments et sur les rochers ; il ne me paraîtrait donc point surprenant que lès Touariks eussent multiplié les marques de leurs tribus sur des rochers, puisqu’ils préfèrent les lieux solitaires, et qu’ils ont souvent cherché un asile dans les montagnes (id. pag. 71). On a trouvé ces lettres alphabétiques dans les déserts, chez des nomades, et non dans les villes chez des hommes sédentaires. Les indigènes n’en connaissaient qu’un certain nombre; les unes paraissaient très-récentes, et les autres très-anciennes : rien de plus naturel, si l’on suppose que ces marques, comme celles que j ’ai vues, appartiennent à des tribus de diverses époques. Ènfin, pour terminer ces comparaisons, M. Oudney n’a pu trouver aucun livre écrit en caractères touariks, de même que M. Scholz a cherché inutilement dans la Marma- rique (**) une inscription entière en signes dont plusieurs sont positivement arabes. Je n’ignore point qu’il est des personnes tellement idolâtres de tout ce qui appartient à une époque reculée, que récusant peut-être l’identité relative des faits que'j’ai exposés, elles seront tentées de reconnaître dans ces marques ou caractères, tant du littoral que de l’intérieur de la Libye, une analogie vague, et par cela même précieuse, avec des langues actuellement éteintes. De ce que les Phéniciens se sont incorporés anciennement avec les Libyens de la côte, comme l’indique Hérodote ; de ce qu’il paraît qu’ils furent ensuite chassés avec ceux-ci dans l’intérieur des terres, soit par les armes des Romains, soit par l’invasion de l’islamisme, ces personnes pourront supposer qu’ils se soient réfugiés dans les montagnes des Garamantes, où ils eussent forme un peuple à :(*) Je sais que les Touariks, comme les' autres* nomades, mettent la marque de leurs tribus sur leurs chameaux. (•*) Yoyage d’Alexandrie à Parætonium (en allemand), pag. 54. très-avantageuse. Sur ses bords de sable et couverts d’un lit d’algue, je vis les traces peu apparentes d’un ancien bourg, parmi lesquelles je ne distinguai qu’un grand mur d’enceinte, construit très-grossièrement, mais contenant des débris d’une belle époque. Cet édifice fut élevé par les Arabes modernes, en partie avec les pierres d’anciens monuments ; e t , selon mes guides, il servit long-temps de forteresse, alors que les Aoulâd-Aly régnaient en souverains dans cette contrée. De cette construction frêle, mais spacieuse, il ne reste plus que quelques pieds au-dessus du niveau du sol. Je dirai bientôt la cause et l’époque de sa destruction. Ce lieu est le célèbre Parætonium (i), connu de tous les anciens géographes, et souvent mentionné dans l’histoire. Le nom de Baretoun que lui donne Aly-Ghaouy, n’est plus connu par les Arabes actuels; ils lui ont substitué celui de Berek, qui n’offre qu’unléger rapprochement avec le nom ancien. Plus d’un titre contribua à illustrer cette ancienne ville, soit qu’on la considère comme la capitale du nome Libyque (3), et ensuite comme part,.qui aurait conservé jusqu’à nos jours des traces de leur ancien alphabet; et ce peuple serait les Touariks. J’avoue qu’une pareille origine donnée à ces signes, ou, si l’on veut, à ces caractères, flatte plus l’imagination que mes vulgaires rapprochements, et qu’il est plus beau d’élever un édifice que de le détruire. Mais, à ce propos, je rappellerai un fait remarquable, et qui pourrait ne pas lui être absolument étranger. Le savant Gébelin avait cherché long-temps les emblèmes de mystères profonds dans les inscriptions et les figures d’animaux gravées sur les rochers du mont Liban, lorsque MM. Montaigu et Yolney reconnurent que ces inscriptions et ces dessins avaient été tracés par les Grecs qui se rendent annuellement en pèlerinage au couvent situé sur cette montagne. (1) Il serait superflu d’insister sur l’identité de situation entre le Parætonium des anciens, le Baretoun d’Aly-Ghaouy, et 1 e Berek-Marsah actuel. Mais il ne me paraît pas inutile de faire remarquer que'les distances données par Strabon et Arrien, d’Alexandrie à Parætonium, correspondent exactement avec l’observation en longitude faite en ce dernier lieu par M. Gauthier, si l’on adopte pour le premier de ces auteurs des stades de six cents au degré, et que l’on suive la ligne la plus courte ; et s i, pour le second, on contourne avec Alexandre les sinuosités de la côte, et que l’on compte les stades à sept cents au degré. (Voyez S t r a b . 1. XVII, § 8 ; A r r ia n , 1. I I I , c. 4 , et ma carte générale. ) (a) Mannert, Géog. des Gr. et des Rom. t. X , part. I I , p. 19.


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