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VOYAGE DANS LA MARMARIQUE littoral, les débris des constructions arabes se voient confondus avec ceux des monuments antérieurs; mais nul édifice ancien ou moderne n’est encore debout. Je ne trouvai de remarquable parmi ces ruines que des souterrains voûtés en ogive, revêtus d’une couche de plâtre et subdivisés en plusieurs pièces, restes sans doute d’un château sarrasin. Ces caveaux servent d’asile aux voyageurs dans la saison rigoureuse, et les Arabes des environs y déposent pendant l’été une partie de leurs récoltes. , Auprès de Dresièh(i ) est un laç d’eau salée, qui s’étend sur un espace de deux heures, en suivant les bords de la mer, dont il n’est sépare que par une digue de sables ; ses bords sont couverts de sel d’une belle qualité, objet de peu de valeur dans un pays qui en offre surabondamment. Nous quittâmes Dresièh le 12; ce lieu sert de limites à Y Ouadi-Ma- riout. Le désert qui suit s’appelle Djebel-Kourmah. Depuis notre départ d’Alexandrie, rien dans notre voyage ne s’était offert qui mérite d’être cité; aucune rencontre fâcheuse n’avait opposé des obstacles à mes excursions ; couverts du manteau arabe, à peine attirions nous la curiosité des nomades que nous rencontrions. Le bruit de mon expédition s’était encore peu répandu parmi eux; et lorsque des dessins à prendre ou des points géographiques à déterminer ne me forçaient pas à séjourner auprès de leurs camps, ils nous faisaient quelquefois l’honneur de nous prendre pour des marchands mograbins, ou pour des pèlerins de retour de leur pieuse visite au tombeau du Prophète. Notre manière de vivre était aussi simple que celle des habitants des lieux que nous parcourions : nous campions ordinairement au coucher du soleil; un bas-fond, le mieux fourni en végétaux, était vers cette heure (1) Le nom de Dresièh offre, il est vrai, une grande analogie avec celui de Deris, port et promontoire mentionné par plusieurs auteurs, qu’il faut chercher à l’ouest du golfe des Arabes. Mais la situation de Dresièh, enfoncée dans ce golfe, ne saurait, en aucune manière, convenir à un promontoire, et ce nom paraît être, comme plusieurs autres, une transposition que les Arabes ont faite dans la dénomination des lieux. Quant à la roche noire ressemblant a une peau, que Strabon donne comme indice à Deris, je doute qu’avec le seul secours de ce signalement on pût reconnaître cet ancien promontoire., puisque tous les caps de cette partie du littoral sont garnis d’écueils qui, avec un peu d’imagination de la part du voyageur, peuvent acquérir cette ressemblance. le principal objet de nos recherches; une telle rencontre pouvait seule accélérer ou retarder le moment du repos journalier. Souvent nous faisions route, un ou plusieurs jours de suite, avec des Arabes de la contrée, qui allaient à la recherche d’une nouvelle demeure. Je saisissais ces occasions avec empressement toutes les fois qu’elles se présentaient ; je descendais alors de mon dromadaire, je défendais à mes domestiques de me suivre, et, me confondant avec ces Arabes, je devançais avec eux nos chameaux pesamment chargés. Je cherchais à obtenir leur confiance par ma franchise et mes prévenances : bien des fois j ’ai atteint mon but; et ces hommes simples, oubliant alors ma religion et mes projets, me racontaient les affaires de leurs tribus, me parlaient de leurs récoltes, de leurs troupeaux ; mais le soir, lorsque nous nous arrêtions, la prière du moghreb les rappelait à leurs principes, à eux-mêmes. Ils posaient leur camp loin du mien : nous avions vécu ensemble pendant le jour, nous étions séparés pendant la nuit; et si dans leur irréflexion et leur épanchement j ’étais devenu quelques moments pasteur et nomade comme eux, je redevenais à leurs yeux chrétien et européen sous ma tente. Ainsi, dans ces occasions et dans toutes les autres, si ces Arabes m’accordaient d’abord leur confiance comme hommes, ils la retiraient bientôt comme musulmans. Ces voyages de compagnie avec les habitants de la contrée que je parcourais m’offraient un autre sujet d ’observation moins affligeant. On ne saurait se faire une idée de l’inquiète sollicitude de l’Arabe voyageur, pour le chameau, cet animal patient qui seul peut l’aider à traverser le désert. Reconnaissant des services qu’il lui doit, l’Arabe sacrifie ses goûts, et souvent même ses besoins, pour camper dans un lieu plus abondant en herbes ou en broussailles; et si la nature du sol ne répond point à ses recherches, alors, ayant partagé les mêmes fatigues, il partage aussi avec le chameau la même nourriture : que de fois j ’ai vu l’Arabe dans les déserts stériles se dépouiller le soir de son ihram, l’étendre devant le chameau accroupi, et répandre dessus quelques poignées de dattes, dont il avait soin d’ôter Jes pierres ou tout autre corps étranger ! Ce spectacle m’a toujours offert un nouvel intérêt; et je n ai jamais


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