Page 32

27f 59

sont entrés dans les solitudes du désert, alors se trouvant dans leur domaine , ils parlent en maîtres. En vain le voyageur rappelle les accords faits et les ordres reçus; les accords deviennent illusoires, et les ordres sont aisément éludés; et dans l’isolement où il se trouve alors, heureux encore si les mêmes hommes qu’il a pris pour faciliter ses projets, ne nuisent pas au contraire à leur exécution. D’un autre côté, s’il est une cause qui rende moins fructueuses et qui entrave quelquefois les opérations du voyageur européen, c’est sans contredit le fanatisme des habitants. En vain il étudie leur langage, il adopte leurs costumes et se fait à leurs usages; il est chrétien, et ce titre suffit pour bannir la confiance, pour inspirer la réserve et souvent même la haine.. Avec l’or, il franchira bien des obstacles, il satisfera sa curiosité; mais il n’obtiendra jamais cet échange intime de relations, si nécessaire néanmoins pour bien connaître les peuples qu’il visite. Ce fanatisme ne se borne point à tenir le voyageur dans un continuel isolement, il va quelquefois jusqu’à compromettre son existence; et, s’il n’autorise pas le crime, il sait du moins le pallier. Aussi celui qui entreprend de pénétrer dans les contrées de l’Afrique, immédiatement soumises à l’influence de l’islamisme, se voit en butte à l’alternative d’un choix également embarrassant: s’il prend Une nombreuse escorte, il garantit son existence de perfides tentatives; mais il devient, pour ainsi dire, le sujet de ses protecteurs; si, au contraire, il se hasarde seul ou avec les siens dans ces contrées sauvages, il reste libre de ses actions, mais il est sans cesse entouré de dangers. Lors même que mes faibles ressources pécuniaires ne m’auraient pas interdit le choix entre ces deux manières d’exécuter mon voyagé, j ’ose assurer que, par goût, j ’aurais adopté cette dernière. Je me bornai donc à prendre deux guidés pour m’indiquer le gisement des puits et des monuments dans les lieux que j ’allais parcourir : Hadji- Saleh, marchand de Derne, et Makhrou, de la tribu des Aoulâd-Afy, me furent désignés à cet effet par Mohammed-elrGharbi, qui m’en garantit la moralité. L a caravane, y compris M. Müller et m oi, était composée de neuf personnes; douze chameaux et quatre dromadaires dont j ’étais propriétaire, d’après le système que j ’avais adopté dans mes précédents voyages, étaient destinés, les premiers à transporter nos effets et à suivre toujours la route la plus eourte, tandis que les seconds, plus sveltes, devaient servir à de rapides excursions toutes les fois que des ruines ou d ’autres objets à examiner m’engageraient à m’écarter de la ligne suivie par ma caravane. Telles étaient les forces et les ressources que je pouvais employer pour braver, durant plusieurs mois, les violentes intempéries de l’air dans un pays sans abri, et l’avidité plus redoutable encore de ses habitants. Ayant enfin obtenu la lettre protectrice de Mohammed-Aly pour Iousouf, pacha de Tripoli, nous quittâmes Alexandrie le 3 novembre i 8a4* Les environs de cette ville sont tellement connus, qu’il me paraît superflu d’entrer dans de nouveaux détails sur les prétendus bains de Cléopâtre, sur les grottes de la Nécropolis, d’ailleurs peu remarquables, enfin sur la petite Chersonèse, que Strabon place à soixante-dix stades d’Alexandrie, et où nous arrivâmes, en effet, trois heures après notre départ. Nous continuâmes ensuite à marcher entre le lac Maréotis et les bords de la mer ; la langue de terre qui les sépare n’a que trois quarts d’heure dans sa plus grande largeur. Une chaîne de collines peu élevées forme une digue au Maréotis, et se prolonge, ainsi que le lac, jusqu’à Abousir, située à onze heures au S. S. O. d’Alexandrie. On rencontre fréquemment le long de cette colline d’anciennes carrières, quelquefois souterraines, et le plus souvent formant amphithéâtre; elles contiennent ordinairement une végétation abondante : des touffes de figuiers sauvages sortent, pour ainsi dire, du sein des rochers, et remplissent une partie de ces excavations. Ces arbres, quoiqu’à demi cachés, délassent agréablement la vue dans ces lieux, où l’on n’aperçoit que çà et là quelques plantes marines. Je remarquai aussi de petits bassins creusés dans la roche pour recueillir l’eau des pluies. Ils sont disposés sur des plans d’inégale hauteur, et de manière que l’inférieur seul est rempli par ceux qui se trouvent plus élevés. Nous ne pûmes arriver à Abousir que le 6 vers le soir; ce long retard fut occasionné par les fréquentes visites d’amis et de parents, que mes


27f 59
To see the actual publication please follow the link above