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Minutoli s’était arrêté au pied du mont Catabathmus, et les grands travaux du capitaine Beechey, depuis Tripoli jusqu’à Derne, n’étaient pas alors connus. Le but de M. Pacho était d’examiner d’une manière complète toute la partie maritime comprise entre Alexandrie et les côtes, de la grande Syrte. Nous allons essayer d’esquisser ici les principaux traits de cette longue exploration. Elle commence le 3 novembre 1824, par la vallée Maréotide, célèbre dans l’antiquité par ses vignobles. Le voyageur voit ensuite les ruines d’Abousir l’ancienne Taposiris, où il cherche en vain des vestiges de la Yieille-Égypte ; il s’arrête au château-fort de Lamaïd, construction des Sarrazins du moyen âge, de ceux qui se mesuraient avec .les chevaliers de l’Occident. Il séjourne à Dresièh, visite les citernes de Djammernèh, et s’étonne de la solitude de ces lieux, jadis couverts de villages et d’habitants; il franchit les collines de l’Akabah-El Soughaïer, premier échelon des hauteurs qui s’élèvent progressivement jusqu’aux montagnes de la Pentapole; il aperçoit ici, pour la première fois, en grand nombre’ les tentes brunes des Arabes, et son pinceau trace le premier tableau général des moeurs de ces nomades. Il s’arrête aux ruines de Kassaba-Zarghah, puis au port de Berek, le célèbre Paroetonium des anciens géographes, et l’entrepôt du commerce des Aoulad-Aly, avant qu’ils eussent cédé au génie entreprenant du vice-roi d’Egypte. 11 traverse le retoutable Àkabah-El-Soloum, gardé par des tribus indépendantes qui forcèrent le général Minutoli à s’arrêter au pied de ces hauteurs; il parcourt le grand plateau de Za’rali et la célèbre et fertile vallée de Daphenèh, coupée de mille canaux et habitée par les Harâbi, guerriers-courageux et cruels. Au sortir de l’Ouadi-El-Sedd, sa marche le conduit sur le rivage en face de l’îb rocailleuse de Bomba, l’Aedonia de Scylax, voisine de la fameuse Platée d’Hérodote. L’âspect de l’Ouadi Temmimèh lui confirme la description que les anciens ont laissée d’Aziris. Après avoir franchi une lagune que forme le golfe de Bomba, il arrive sur les premiers échelons boisés des monts cyrénéens, et les Nubiens et les Égyptiens qui l’accompagnent, s’émerveillent de cette végétation si riche et si nouvelle pour leurs yeux habitués à la nudité du désert. Derne, tant désirée par les hommes de sa caravane et par lui-même, le reçoit enfin dans ses murs. Il y trouve d’abord un repos nécessaire, puis des contrariétés désespérantes. Il les surmonte, et reprend enfin sa route par le château de Zeïtoum, et les vallées profondes et pittoresques de Betkaât et de Tarakenet; il se rend aux ruines dé Massakhit ( la ville des statues ), ancien séjour des chrétiens. Il voit les débris imposants de Tammer, qui lui semblent les ruines mêmes du temple de Vénus, comme toutes celles de cette contrée lui indiquent qu’il se trouve dans l’un des cantons les plus florissants de la Pentapole. Il pénètre dans les grottes sépulcrales , et s’arrête sur le bord des réservoirs de Lameloudèh, peut-être l’ancienne Limniade. Il quitte le dromadaire,pour le cheval de Barcah, et sur cette agile monture il se hasarde à parcourir les bords des sommités du plateau cyrénéen et les sentiers difficiles de ses pentes abruptes. Il va chercher les restes de Na- troun, la , ville de la mer des Arabes. Il reconnaît dans le Ras el Hal-al le célèbre Naustathmus de Strabon. Saris s’effrayer de la guerre qui règne alors entre les tribus de ces contrées, il multiplie ses recherches, il les poursuit dans la vallée des figuiers, séjour de paix et de bonheur, où l’attend l’accueil le plus hospitalier. Djaus, Téreth, Saffnèh, Ghernès le voient successivement explorer leurs sites agrestes et les restes d’une autre civilisation. Il fait halte au port de Sousa, aux ruines et aux grottes sépulcrales de Tolometa ouPtolémaïs, deTokrah ouTeuchira, etd’Adrianopolis ; il essaie de déterminer la position du jardin des Hespérides ; et, à la suite de cette intéressante excursion, il revient à Sousa, l’Apollonie de Strabon, l’ancien port de Cyrène. Il s’approche de la Grennah moderne, et se trouve enfin au milieu des ruines de la capitale de la Pentapole. Il les examine en détail, descend dans les tombeaux vides, dans les cavernes profondes, dessine les,sarcophages et les bas-reliefs dégradés, les statues, les colonnes, les frises mutilées ; le désir de tout'connaître le détermine à pénétrer dans l’aquéduc dont les eaux alimentaient jadis la fontaine d’Apollon, et dont les hyènes aujourd’hui gardent souvent l’entrée; il cherche, à défaut de murailles conservées, dans le seul mouvement des ruines, le plan de Cyrène, sa forme et son étendue. Il l’exhume de ses décombres pour la montre^ telle qu’elle fut jaux jours de son orgueil. De retour àBen-Ghazi, qui ne conserve plus rien de l’ancienne Bérénice, il descend au Sud, atteint Ladjedabiah, dépasse près de ce point les limites des terres fertiles, et s’ènfonce dans le désert des Syrtes, ancienne patrie des Nasamons. Il entre dans l’Oasis de Maradèh, caché au milieu d’un labyrinthe de monticules de sables mouvants, et dont les eaux pures ou thermales, et la forêt de palmiers, font les délices du voyageur. Il visite Audjelah, Oasis plus stérile, dont l’àspect, la culture et les produits n’ont pas changé depuis les jours d’Hérodote,' et à laquelle un destin bizarre a donné pour gouverneur un Français, qui suivit enfant l’expédition d’Égypte. Le voyageur n’oublie aucun des cantons habités dépendants de ces deux groupes ; il passe une troisième fois par l’Oasis d’Ammori, èt revient au Caire, par la vallée du lac Natron. Il entre dans la capitale de TÉgypte, le 17 juillet i 8a5. Une telle entreprise périlleuse et difficile ne peut être soutenue que par un vif amour de la science, et disons-le, parla légitime ambition des éloges des hommes éclairés. Ce sentiment naturel explique l’empressement que mit M. Pacho à réunir ses matériaux et à se rendre én France; et la même année, qui l’avait vu sur les ruines de Cyrène, dans les sables du désert, et sous les tentes arabes, le vit au milieu de la capitale du mondé civilisé. Il arriva à Paris, le 12 novembre 1825, et s’empressa de soumettre à la Société de géographie l’ensemble de ses travaux. Elle les fit exami


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