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ner, et, sur le rapport de Malte-Brun, elle lui décerna le prix proposé. Cette honorable récompense avait été précédée des suffrages de l’Académie des inscriptions, accordés particulièrement à la partie archéologique du voyage. Cette compagnie avait pour interprète le savant M. Letronne. Les deux rapporteurs manifestèrent le voeu de la prompte publication du voyage de M. Pacho. Tous deux réclamèrent en sa faveur l’appui du gouvernement. Leurs voix furent entendues de quelques amis des sciences. M. le comte Chabrol de Volvic, préfet de la Seine, qui les protège comme un homme qui leur doit une partie de sa renommée, répondit à ce noble voeu, et MM. Firmin Didot se chargèrent avec empressement de cette publication dispendieuse. Elle parut sous les auspices de S. M., qui daigna en agréer la dédicace. L’ensemble de ce grand travail a été mis sous les yeux du public, et ce juge suprême a ratifié les décisions des Académies. Il a rèconnu que le talent de l’observateur était de niveau avec la tâche qu’il s’était imposée, et digne de la célébrité des lieux parcourus. On a été frappé de l’importance des .faits relatifs à la géographie physique et à la distribution des plantes, et, bien que ces faits soient peu nombreux, et n’embrassent pas toutes les localités, ils permettent déjà de comparer la végétation de la Cyrénaïque avec celle des terres voisines ou des zones correspondantes. On suit avec un vif intérêt les détails topographiques et archéologiques nombreux, nouveaux et empreints du cachet de l’exactitude. Les dessins de ruines, les copies d’inscriptions antiques méritent les mêmes éloges. M. Pacho. sait l’art de transporter son lecteur sur les sites mêmes, par des descriptions vivantes, et de l’initier aux moeurs des habitants, par des tableaux pleins de fraîcheur, de mouvement et de vérité. Tout ce qui tient à la géographie comparée décèle le savant consciencieux, lors même qu’il se trompe, et toujours l’implacable ennemi des systèmes. M. Pacho aime à peindre les masses, à grouper les objets analogues ou dissemblables, seul moyen de les faire bien connaître. Son style généralement nerveux et brillant, s’anime sous 1 influence des lieux et des souvenirs. S’il manque quelquefois de souplesse, s il n a pas encore toute cette pureté classique, toute cette grâce flexible, heureux présent de la nature, ou dernière conquête de l’étude, c’est que les travaux de l’érudition, auxquels M. Pacho soumettait comme par force sa poétique imagination, ne lui permettaient pas d’accorder d’assez longues'heures aux méditations du littérateur. Difficile à l’excès, il traitait ses propres compositions avec une rigueur que les seuls gens de goût regardent comme un devoir; et, bien qu’au début de sa carrière littéraire, on voyait déjà son talent grandir avec rapidité. Depuis le jour de son arrivée à Paris, jusqu’au jour de sa mort, M. Pacho travailla sans relâche à la rédaction de son voyage. Vivant dans une retraite profonde, il consacrait toutes les heures du jour, et souvent celles de la nuit, à ce qu’il regardait comme son plus beau titre à l’estime du monde savant. Cette tension continuelle d’esprit, cet isolement complet de là. société, cette.absence de toute distraction, développèrent rapidement chez lui une misantropie d’autant plus funeste qu’elle se nourrissait à chaqiie instant dé toutes les contrariétés inséparables d’une vie littéraire et d’une position incertaine. Le même M. Guyenet, qui avait fait les frais de ses voyages, lui continuait à Paris l’appui de ses moyens. Trop fier pour solliciter les dons du pouvoir, et se croyant en droit de les obtenir, M. Pacho s’indignait de n’être pas prévenu. Peut-être des récompenses, qui n’eussent pas été des faveurs, auraient-elles exercé une heureuse influence sur son moral, et triomphé de sa noire mélancolie. Il en vint bientôt à ce point déplorable de soupçonner la foi et l’attachement de ses amis, et d’en restreindre le cercle chaque jour. Il couvrait de nuages un avenir qui n’aurait eu rien d’inquiétant pour un tout autre caractère. En descendant en lu i, il aurait vu qu’il n’avait besoin de personne pour assurer sa, destinée. Toutefois, au milieu de laborieuses occupations, sa santé s’altérait, et le régime excitant qu’il avait adopté, en ranimant momentanément ses forces, le replongeait bientôt dans une faiblesse plus grande. Des pensées de mort vinrent enfin l’agiter. Celui qui écrit ces lignes eut quelquefois le bonheur de rendre des instants de calme à son esprit troublé. Mais le souvenir de telles consolations disparaissait rapidement, et le désespoir s’acharnait de nouveau sur sa victime. Dans cette lutte affreuse la raison de M. Pacho succomba. Il cessa de vivre, ou plutôt de souffrir, le 26 janvier 1829, à l’âge de 35 ans et trois jours. Ce savant voyageur appartenait à la commission centrale de la Société de géographie. C’est là que sa perte, doublement sentie, devait inspirer de plus vifs regrets, ils n’ont pas manqué à sa mémoire. Une souscription proposée, et aussitôt remplie, a été destinée à élever sur sa tombe un modeste monument. Tous ceux qui ont vécu dans son intimité démêlaient facilement à travers quelques inégalités de caractère la bonté de son coeur, et son extrême obligeance. Les hommes du désert lui avaient fourni le modèle de l’homme indépendant, il avait bien profité à leur école. Toute réserve prudente lui semblait de la tyrannie, il la repoussait. Comme l’Arabe, dont il aimait les vertus, la reconnaissance était le seul pouvoir qui le rendît partial. Ce noble sentiment est empreint dans tous ses écrits. Quelques-uns d’entre eux n’ont pas vu le jour. Parmi ces derniers se trouve un tableau des tribus Nomades anciennes et modernes, dont il avait lu plusieurs fragments dans les séances générales de la Société de géographie. C’était son ouvrage de prédilection, celui qui lui souriait le plus. Ce qu’on en connaît a déjà mérité de nombreux suffrages. Ils ont été donnés au caractère original de cette composition, à la nouveauté de ses points de vue, à la variété de ses détails, et surtout à l’alliance d’un style élégant et d’une consciencieuse


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