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I- analogie de position et la réciprocité même d’intérêts ne durent-elles pas occasionner des liaisons entre les Cyrénéens et les autres Doriens, isolés comme eux sur des terres étrangères ? Il est remarquable que les noms de Cabales et d’Araraucèles se trouvent également dans la Cyré- naique etdansl’Asie-Mineure; et quoique, dans la première deces contrées, ces noms désignent des tribus libyennes, et dans la seconde une ville et une région, cette identité de dénominations semble néanmoins indiquer un échange de rapports entre des peuples sortis d ’une souche commune. L histoire aurait dû surtout nous donner quelques notions sur le commerce de Cyrène dans l’intérieur de l ’Éthiopie. L ’Oasis d’Ammon, cette colonie de prêtres-marchands, établie au milieu des déserts, présentait un point d’entrepôt très-avantageux pour ce commerce. Ses relations avec la Pentapole ne sont point douteuses ; les colonnes élevées en l’honneur des théores cyrénéens, et d ’autres traditions historiques, en sont la preuve irrécusable. Cyrène se serait-elle bornée à ce boulevart de la Libye intérieure? Moins industrieuse que Carthage, n’aurait-elle pas fait pénétrer ses caravanes dans les régions plus lointaines? Si les Nasamons servaient les intérêts de sa rivale, les Asbytes et les Auchises ne devaient-ils pas lui offrir le même secours? Ces dernières hypothèses seront d’autant plus probables si l’on considère que le commerce de Cyrène fut très-considérable, et que pour en seconder l ’activité ils inventèrent le lembus (i). Ce commerce était alimenté par une réunion de causes également puissantes : la grande fertilité du sol et son heureuse disposition y faisaient succéder les récoltes pendant huit mois de l’année, et des plantes précieuses qui lui étaient particulières ou bien qu’on y voyait répandues avec profusion, en augmentaient singulièrement les produits. ( i ) Vaisseau à seize rames. (P l i s e , 1. VIII. ) HISTORIQUE. xxiij La campagne de Cyrène était divisée en trois parties, également fécondes dans une rare et précieuse succession. A peine avait-on fini la moisson et les vendanges sur les bords de la mer, que l’on passait aux collines, où les fruits se trouvaient en pleine maturité, et de là on arrivait sur le sommet des montagnes, où la nature présentait les mêmes avantages dans sa troisième phase de fertilité. D’épaisses forêts de thyon, distribuées sur les flancs septentrionaux des monts de la Pentapole, offraient leur bois odorant pour les meubles des Cyrénéens, de même qu elles servaient à former les tables vineuses consacrées aux fêtes de Bacchus; tandis que le sylphium, dont la valeur égalait celle de l’argent, et que les Césars renfermaient dans leur trésor, croissait en abondance dans les lieux les plus incultes de cette heureuse contrée. Tant de richesses prodiguées par la nature, dans un pays environné' de déserts, devaient porter ses habitants à un haut degré de puissance, ou bien les plonger dans le luxe et la volupté : en premier lieu, ils. auraient pu influer sur la civilisation de l’A frique; ils auraient pu faire pénétrer dans les régions de l’intérieur la lumière des a r ts , par de hardies expéditions et de philanthropiques desseins ; en second lieu , ils pouvaient jouir, sous l’ombrage de leurs forêts, des biens que leur assurait le so l, et se borner à repousser les hordes nomades de leur paisible séjour. Les Cyrénéens avaient à choisir entre une haute existence politique, et les douceurs d’une oisive retraite; entre une gloire durable, et des jouissances passagères : et les Cyrénéens dédaignèrent la gloire et s’abandonnèrent aux plaisirs. Les courses de chars, les repas somptueux, la mélodie des chants, les danses et les fêtes, remplirent le cours de leur molle existence ; Cyrène était déchirée par des factions, elle était envahie par des armées étrangères; mais les cris joyeux des bacchantes étouffaient les clameurs politiques, et leurs danses lascives s’animaient au bruit des chaînes qui pesaient sur la patrie.


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