Page 18

27f 59

Cyrène, et ne se réserva, en qualité de protectrice, que les terres, très- considérables il est vrai, attachées au domaine royal. Mais les Cyrénéens étaient destinés à ne point savoir jouir de leur indépendance ; des troubles intérieurs vinrent de nouveau les diviser ; en vain Sylla leur envoya Lucullus pour concilier leurs différends; en vain ce général, en leur rappelant la réponse de Platon, opposa la sagesse de nouvelles lois au caractère turbulent des Cyrénéens, il ne put parvenir à assurer leur tranquillité, et à peine trente ans s’étaient écoulés depuis que Cyrène avait été affranchie de toute domination étrangère, que, dans l’intérêt même de ses habitants, Rome fut obligée de la réduire au rang de ses provinces. Peu de temps après, elle fut jointe à la Crète, et gouvernée, comme province prétorienne, par un proconsul. Vers l ’an 3y avant notre ère, Antoine, qui exerçait alors une puissance suprême dans tout l’Orient, cédant aux désirs de Cléopâtre, sépara la Cyrénaïque de l’empire, et l’érigea en royaume en faveur de sa fille. Mais, après la défaite qu’il essuya à Actium, Cyrène reconnut Auguste pour souverain, ayant même qu’il se fut rendu maître de l’Ëgypte, et devint, peu de temps après, une province du sénat, gouvernée par des préteurs. Attachée dès-lors à la fortune de Rome, Cyrène en suivit les destinées. Avant de la voir s’écrouler avec cet empire, et tomber enfin au pouvoir de peuplades barbares, jetons un coup-d’oeil sur son organisation intérieure, et recherchons, s’il se peut, quelles furent les causes de ses grandes richesses malgré ses dissensions, et celle de ses continuelles dissensions malgré sa prospérité ? Peu d ’années après la fondation de Cyrène, Barcé, bourgade libyenne, accueillit les princes de la famille royale révoltés contre Arcésilas, et devint une ville considérable. Quoique toujours gouvernée par ses propres rois, elle offrit dès-lors un mélange d’habitants grecs et libyens, jusqu’à l’époque où les Ptolémées firent élever une ville sur le littoral voisin, qui prit le nom de la dynastie de ses fondateurs. Ptolémaïs attira dans ses murs les Grecs de Barcé, et c e lle -c i fut entièrement livrée à ses habitants indigènes, dont la plupart reprirent bientôt leur genre de vie nomade. Les Barcéens recommencèrent alors à inquiéter les villes de la Pentapole, et leurs courses dévastatrices leur acquirent une telle réputation, qu’au rapport de Virgile, le nom de cette peuplade s’étendit à toutes celles qui l’environnaient. Cyrène, appelée racine des villes, avait fondé Apollonie et Teuchira; }a première ne fut pendant long-temps que le port de la métropole, et ne devint indépendante que sous les Ptolémées ; la seconde, nommée par la suite Arsinoé, fut changée en colonie romaine vers l’an 122 environ avant notre ère. Hespéris, plus connue sous le nom de Bérénice, qu’elle reçut de la fille de Magas, femme du troisième Ptolémée, fut la cinquième ville qui forma la Pentapole libyque. D’autres, telles que Darnis, Adriane, Lamiane, et un grand nombre de bourgs et de villages, s’élevèrent dans la Cyrénaïque en des temps postérieurs et à diverses époques. L ’histoire, comme on l’a déjà observé, s’est peu occupée de l’intimité des relations entre les peuples de l’antiquité ; loin de nous faire suivre la série de leurs actions, elle borne ces actions à des querelles, et si elle les fait mouvoir, c’est pour s’entr’égorger. Il résulte de ce faux système que les troubles intérieurs, et surtout les guerres éclatantes, ont exclusivement attiré son attention ; mais ces longues années de paix sont pour elle une stagnation stérile dont elle dédaigne,d’éclairer le cours, et d’y puiser des faits instructifs. C ’eût été néanmoins pour nous bien intéressant de connaître les relations que les Cyrénéens durent conserver avec leur mère patrie; un poète nous apprend toutefois qu’ils lui envoyaient annuellement des théores pour lui offrir les prémices de leurs fruits.


27f 59
To see the actual publication please follow the link above