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nominations. Il me paraît plutôt probable que les Augilites (i) durent avoir des habitations semblables à celles des autres peuplades qui s’étendaient plus à l’ouest-, c’est-à-dire, quelques excavations faites dans la roche; c’est ce que l’on peut d’ailleurs inférer tant du silence de l’histoire sur cette prétendue ville, que de quelques traditions qui se rapportent aux Augilites et au pays qu’ils habitaient. Hérodote, auquel il faut toujours avoir recours, m’offrira les dernières, et je les trouverai tellement fidèles, qu’elles pourraient encore servir à décrire l’Augiles moderne. V Il a parlé de ses forêts de palmiers, de la qualité exquise de leurs dattes, et nous avons dit qu’elles sont la plus grande ressource que possède encore Augiles. La seule fontaine qu’on y trouvait de son temps, est la seule qu’on y trouve de nos jours ; c’est Sibillèh. La seule colline qu i, d après l’historien, existait dans ce canton, est la seule qui interrompe la monotonie de son immense plaine de sables : elle occupe la partie nord du village principal. De plus, il ajoute que cette colline, comme celles d’Am- mon, était de sel (2); et dans le monticule de spath calcaire d’Augiles ', comme aux collines d’Ammon, nous trouvons des masses de sel gemme. Ainsi vingt-trois siècles ont passé sur le canton d’Augiles, et les mêmes ressources qu’il offrait aux anciens habitants, il les offre aux •habitants actuels; exceptons-en les villages arabes, et cest encore le même aspect. Cette idée ne déplaît pas au voyageur; il aime à s’y arrêter, car le plus souvent ce qu’il a de mieux à faire dans ces déserts, c’est de chercher à ranimer sa pensée aux souvenirs des âges, an tiques. Le voila donc parmi les Libyens d’Augiles; que faisaient-ils dans ce triste pays? Quels étaient leurs moeurs, leurs usages ? C’est ce qu’il se demande ; malheureusement l’histoire ne lui offre que bien peu de renseignements. Les seuls qu’elle ait transmis à ce sujet sont relatifs à leurs croyances religieuses, qui ne laissent pas que d’avoir quelque chose de particulier. Différemment des Libyens nomades, les Augilites, au lieu d adorer les astres, n’avaient d’autres dieux que leurs mânes, ne juraient quen (1) Je me conforme à la dénomination d’Étienne de Bysance. (a) Hérod. 1. IV, 18a. leur nom, les consultaient comme des oracles, et dans ces occasions ils dormaient sur les tombeaux , et prenaient leurs songes pour les réponses des mânes (1). On peut observer en passant que ce n’est pas sans intérêt pour l’histoire de l’esprit humain que l’on voit cette bizarre croyance exister avec des caractères à peu près semblables, et peut-être dès la même époque, en des lieux fort éloignés de cette Oasis, dans les îles Mariannes, dont les habitants n’invoquent, comme les anciens Augilites, d’autres dieux que les esprits de leurs morts qu’ils appellent Anitis, et auxquels, dit Bernardin de Saint-Pierre, d’après le père Gobien, ils attribuent le pouvoir de commander aux éléments, de changer les saisons, et de rendre la santé (2). Ce serait sans doute en pure perte que l’on chercherait à cette anomalie morale observée en des lieux si distants entre eux, d’autre fondement que la bizarrerie de l’esprit humain. Me bornant donc à mes seuls Augilites, je dirai que l’on trouve encore de nos jours dans leur Oasis des témoignages marquants de ce culte. Ces témoignages, du moins, j ’ai cru les rencontrer auprès d’une excavation antique située à Djallou. On y pénètre par une entrée carrée taillée dans la couche de roche schisteuse que j ’ai dit régner partout dans ces Oasis à six pieds environ au-dessous de la surface du sol. Latéralement à l’excavation sont deux escaliers qui du fond en atteignent le sommet : ses dimensions totales sont de sept mètres de chaque côté. Ce petit hypogée, découvert et déblayé il y a peu d’années par les habitants, n’offrirait par lui-même aucun indice des usages que j ’ai rappelés, si d’autres circonstances ne s’y rattachaient. Le chef du village me montra une petite colonne en quartz de deux pieds six pouces de hauteur et de forme conique, que l’on avait retirée de la grotte lors du déblayement. Une autre pierre retirée aussi du même endroit, couronnait la tombe d’un Santon : celle-ci, à peu près de la même hauteur que la précédente, est de roche granitique et d’une forme différente : elle figure un bloc, carré dont les deux côtés supérieurs seraient en angle rentrant (3). (ï) Pomp. Mêla, 1. I , c, 8. Solin. Polysth, c. 44- ' (2) Bernard, de Saint-P ierre, Études de la Nature, 3e édit., t. III, p. 3 l , 3a, (3) Voyez pl.- XXV, fi g. 6 , 7 .


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