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Ces deux monuments ont quelque rapport avec certaines pierres votives des anciens ; et l’on avouera que s’ils sont dépourvus de caractères plus décisifs, le canton reculé où ils se trouvent, l’espèce de roche dont ils sont formés, qui lui est étrangère et qu’on a dû y apporter de loin, et surtout le lieu même dont ils ont été retirés, offrent par différentes raisons plusieurs points d’analogie avec les usages tumulaires des anciens Augilites. On sait combien le sable est conservateur : les antiquités extraites des catacombes de l’Egypte en sont d’assez fortes preuves. Ce ne serait donc pas émettre une conjecture dépourvue de fondement, si l’on supposait que ces petits monuments renfermés pendant une longue suite de siècles dans un hypogée sépulcral, et enterrés sous les sables, fussent des pierres votives que les Augilites auraient élevées à leurs mânes, et offrissent par conséquent des témoignages encore existants de la fidélité des récits de l’histoire, et du culte funéraire des anciens habitants d’Augiles. Pendant que je suis encore aux portes de l’Afrique, entouré d’Arabes voyageurs, m’entretenant avec eux de leurs lointaines migrations, je pourrais m’amuser à traduire leurs récits, et à éclaircir peut-être de quelques faits nouveaux la géographie obscure des provinces centrales. Mais ce n’est pas sans plaisir que j ’apprends à l’instant même que de pareilles notions puisées à de pareilles sources deviennent superflues. Un Européen vient de traverser la redoutable Afrique : seul, il s’est aventuré dans ses déserts dévorants, et il leur a échappé ; il a su tromper le fanatisme religieux par le fanatisme de la gloire; il a séjourné à la mystérieuse Tombouctou, et il en est de retour. Gloire à vous, heureux voyageur ¡Votre courage a dompté l ’hydre gardienne ; et la pomme, vous avez l’honneur de l’offrir à la France. J’abandonne donc sans regrets mes causeries d’Augiles ; mais en portant ma vue vers l’intérieur de l’Afrique, j ’y ai rencontré involontairement des noms dont j ’aimerais à orner ce fragment de géographie sur cette contrée, si ma faible voix pouvait ajouter la moindre chose a leur célébrité. Sans diriger mes regards loin de moi, la moisson serait abondante et les fruits en seraient variés. Je devrais en premier lieu nommer M. Jomard, puisque ce serait rappeler un savant depuis long-temps dévoué à la géographie de l’Afrique. Je saisirais ensuite cette occasion pour signaler à mon tour un bon résumé historique sous le titre modeste d’Essai; je parcourrais avec lui les annales arides de l’Afrique, et je serais surpris d’y trouver du charme : telle est la magie du style lorsqu’il est uni au savoir, et M. Larenaudière est un de ceux qui connaissent le grand art de rendre 1 érudition aimable par les prestiges d’un langage séduisant. Je ne pourrais aussi me défendre de citer les excellents travaux de MM. Brué et Lapie sur l’Afrique ; je contribuerais volontiers à mettre au jour cette scrupuleuse conscience qui, par des moyens différents, ne laisse apercevoir d’un amas de recherches que les sommités, et les sommités réelles. Poursuivant ma revue, je rencontrerais une foule de noms représentant chacun dans la science un caractère à part. Parmi ces derniers je choisirais ceux de MM. Walkenaër, Eyriès et Jaubert, dont le savoir orné d ’une simplicité antique en acquiert plus de prix ; et si je voulais prouver que cette simplicité peut prendre une physionomie piquante, je joindrais à ces géographes M. de la Roquette, un des savants interprètes du grand Colomb. Je ne devrais non plus omettre, ni les profondes et ingénieuses expositions de M. Denaix, ni les philantropiques recherches de M. Dupin, ni les scientifiques tableaux de MM. Balbi, Moreau et autres : travaux d’autant plus importants à mes yeux, qu’indépendamment de leur propre b u t, ils peuvent aider le géographe philosophe à des développements d’un ordre différent. Mais si 1 apostille dont j ’aurais voulu orner la fin de ce livre comme d’un cul-de-lampe géographique, aurait pu paraître au moins superflue, il n’en est pas de même de celle que je dois à la reconnaissance. Ainsi quelque fugitives que puissent être les observations dont j ’ai composé mon récit, qu’il me soit permis en le terminant, sans parler de MM. Firmin Didot, auprès de qui les ouvrages de quelque utilité, quoique accompagnés de dessins explicatifs d’une publication fbr.t dispendieuse, trouvent de véritables Mécènes , qu’il me soit permis, dis-je, d’offrir de nouveau mes remercîments à l’estimable négociant M. Guyenet, qui, par sa généreuse assistance, m’a mis à même d’en recueillir les matériaux lés plus indispensables en des lieux difficiles à parcourir. Je ne saurais trop insister sur ce sujet, puisque, prêter un appui désintéressé à une entreprise scientifique, c’est, si elle' est couronnée de quelques résultats, en avoir le principal mérite.


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