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On se doute bien qu’un pareil canton, quoique peu spacieux, a dû attirer l’attention des Arabes. On y voit en effet les ruines de deux villages ; cependant, il est maintenant sinon tout-à-fait abandonné, du moins il reste inhabité durant la majeure partie de l’année. Les divisions des tribus qui s’en sont tour à tour disputé la possession, et plus encore les superstitions que la crédulité a attachées à ce lieu isolé, en sont, m’a-t-on dit, la cause. Toutefois, les Nomades des environs de la Syrte ne laissent pas que de venir chaque année y recueillir les dattes ; mais n’osant résider dans les villages ruinés, livrés au pouvoir des esprits, ils se sont construit séparément des habitations en branches de palmiers (1). C est là qu’ils viennent s’établir, en automne, avec leurs troupeaux ; et comme ce petit canton est, je le répète, sous la dépendance d Augiles, ils sont obligés de payer à cet effet une redevance au gouverneur de ce groupe d’Oasis ; mais cette contribution plus que les autres est fort aventurée. Je retourne à Augiles. Augiles fait partie des états du pacha de Tripoli; et de même que la région de Barcah et celle du Fazzan, elle est affermée à un bey (2jj qui lui paie annuellement la somme de dix mille piastres d’Espagne. Le prélèvement de cette contribution est uniquement fondé sur les palmiers, dont la taxe est de deux piastres de Tripoli par p ied , c’est-à-dire, de huit sous environ, monnaie de France. Ceci ne donnerait qu’une idée (1) Voyez pl. XCI. (2) On n’apprendra pas peut-être sans intérêt que ce bey, nomme Abou-Zeith Abdallah, est Français, et qu’il est né à Toulon. Il faisait partie, à l’âge de douze ans, de l’expédition française en Egypte, en qualité de tambour. Pris dans un combat par un corps de Bédouins, il fut vendu au pacha de Tripoli : son heureux physique fit sa fortune. Il resta long-temps attaché à la personne du pacha, comme mamelouk, et fut ensuite envoyé dans le Fazzan, avec l’armée de Mohammed le Circassien. La bravoure qu il montra dans cette campagne, qui eut pour résultat la conquête totale du Fazzan, lui attira les bonnes grâces de son souverain : celui-ci le récompensa en lui accordant le titre de bey et le gouvernement d’Augiles. Abou-Zeith-Abdallah n’a conservé d’autres souvenirs de sa patrie,, qu’une idée vague de la ville et des environs de Toulon, et dautre usage de sa langue originaire, que quelques mots provençaux qu’il estropie avec une bonhomie charmante. C’est dl Abou-Zeith' lui-même que l’auteur tient ces détails. Il se plaît à ajouter qu’il en a reçu, outre l’hospitalité habituelle des moeurs orientales, l’accueil le plus cordial et les prévenances les plus délicates. fausse du nombre des palmiers d’Augiles, si l’on n’ajoutait pas que la moitié seulement de ce nombre est soumise à l’impôt; l’autre moitié appartient aux mosquées et à leurs desservants. Les villages épars dans les trois Oasis nommées, sont bâtis en blocs de pierre, tirés d’une épaisse couche schisteuse que l’on trouve sous les sables à six pieds environ de profondeur. La plupart des maisons ont une enceinte extérieure avec une hutte conique au milieu, faites l’une et l’autre en branches de palmiers : elles servent à renfermer les dàttes et les troupeaux. Quant aux habitants, si l’on en croit leur propre rapport, ils peuvent fournir environ trois mille hommes armés, ce qui porterait la population totale sans distinction d’âge ni de sexe, à neuf ou dix mille ames. iSibillèh, située à trois lieues et au nord du village principal, est la seule source de tout le canton. Ainsi point de ruisseaux, comme à Ammon et à l ’Oasis de Thèbes, qui consolident autour d’eux le terrain, le parent de fleurs et de verdure, répandent la fraîcheur dans les a ir s , et vont enfin serpenter et se perdre au milieu de petits jardins où croissent en abondance les arbres fruitiers et les plantes potagères ; jardins d’autant plus agréables qu’ils sont, la plupart, remplis de citronniers et de grenadiers, dont les branches s’entrelacent ensemble, et forment d’épais ombrages, des voûtes fleuries et parfumées sous un soleil de feu et au milieu d’un désert sans ombre; tel était un des plus doux attraits du jardin des Hespérides de la Cyrénaique. Au lieu de ces bienfaits accordés par la nature à ces Oasis, on ne voit à Augiles que des puits creusés à une vingtaine de pieds de profondeur , revêtus de troncs de dattiers, “et d’où l’on extrait des eaux plus ou moins saumâtres. C ’est avec ces seules ressources que les habitants s’efforcent d’alimenter la végétation de quelques champs, si l’on peut même donner ce nom à des bandes de sable, métamorphosées en humus, par les débris des palmiers et par de journalières et pénibles irrigations. Toutefois au moyen de cette lutte de l’industrie contre la nature, on parvient à faire croître l ’orge, et plus difficilement le b lé; le doukhn, espèce de millet dont se nourrissent en général les habitants de l’A frique, est la plante qui se refuse le moins à cette ingrate culture ; 36.


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