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Cependant il paraît que ces déprédations devinrent si nuisibles au commerce de Cyrène, que, dès que les Romains furent possesseurs de la Pentapole libyque, ils cherchèrent à purger la grande Syrte de ces voisins plus dangereux pour leurs intérêts que ses propres écueils. A cet objet, Auguste ne dédaigna point de leur faire porter la guerre, et ce ne fut pas sans peine qu’il les contraignit à reculer devant les aigles de Rome ; il réussit néanmoins à leur faire quitter le littoral, et Denys le Periegète dit, en effet, que de son temps on n’y apercevait plus que leurs demeures vides, c’est-à-dire ces cabanes d’osier et d’asphodèles dont j ai parlé. Toutefois, ils firent encore une tentative pour reconquérir leur misérable patrie , et ils y parvinrent ; mais lès mêmes causes apparemment ayant provoqué les mêmes effets, Domitien, au rapport d’Eusèbe et de Josèphe, leur fit éprouver une nouvelle défaite; et les força à se retirer de nouveau dans l’intérieur des terres vers le sud-est, dont ils allèrent probablement peupler les petits îlots de terre qu’on y rencontre de nos jours. Depuis ce temps-là ils ne reparurent plus le long de la côte , qui fut désormais occupée par les peuplades voisines, les agriculteurs Maxyes et les paisibles Aniches, § IIOasis cL’Augiles. Après avoir traversé dans la direction sud-est la région de la grande Syrte, pour se rendre à l’Oasis d’Augiles , on arrive à Rassam, petite portion de terre cristallisée par le sel, ou l’on trouve, parmi des bouquets de tamarix et de palmiers, les ruines d’un château sarrasin et un puits d’eau saumâtre. ’ De Rassam à Audjelah il faut parcourir encore vingt lieues de distance : une source d’eau douce nommée Sihillèh, située dans un champ de soudes, forme l’entrée de l’Oasis, Vouloir dire l’effet que produit sur une caravane, venant en été des bords de la Syrte, le seul aspect de oe peu d’eau limpide dans le sable, et de ce champ couvert d’une pâle végétation, ce serait tenter une chose fort difficile. Comment peindre cette physionomie souffrante de l’homme, alors qu’elle est ranimée par l’espérance, qu’elle aperçoit le terme de sès maux ? Comment rendre ce murmure d’impatience et de plaisir mille fois plus agréable que les accents bruyants de la joie? Il ne faudrait pas non plus oublier les soutiens de la caravane * les sobres et patients chameaux, à la seule odeur de l’eau, hâtant péniblement le pas, e t, les yeux démesurément ouverts, balançant tous ensemble leur tête laineuse qu’ils dirigent chacun vers le même point. On arrive, on se désaltère, on remercie de mille manières le prophète. Viennent ensuite quelques habitants de l’Oasis, on se félicite, on se complimente de part et d’autre, et l’on reçoit les fruits de l’ineffable hospitalité. A u d je la h , l’Augiles d,es historiens, est loin d’offrir l’agréable aspect des Oasis voisines de l’Egypte: un village et une forêt de palmiers isolés dans une immense plaine de sable rougeâtre, tel est le triste coup d’oeil que présente cette Oasis. On peut en dire autant de Djallou et de Lech- kerreh, autres petits cantons habités qui dépendent de nos jours d’Augiles , comme il est probable qu’ils en dépendaient dans l’antiquité ; ils sont séparés l’un de l’autre par six ou sept lieues de distance. Une quatrième Oasis censée aussi faire partie du groupe des précédentes , s’en trouve éloignée de trois journées environ de marche vers l’occident. Ce lieu caché au milieu d’un labyrinthe de monticules de sables mouvants, se nomme Maradeh; et soit que son aspect s’embel- lisse de la profonde horreur qui l’entoure, soit qu’une ceinture de collines schisteuses bariolées de grandes veines jaunes et bleues, délasse un peu la vue fatiguée de la monotonie de ce vaste désert, soit enfin que plusieurs sources d’eau douce, dont une thermale, raniment par leur agréable saveur l’estomac affadi par les eaux saumâtres, ce n’est pas sans plaisir que l’on arrive dans ce petit canton. Le so l, formé de terre rougeâtre comme celui des Oasis d’Egypte, offre avec celles-ci une analogie plus remarquable. De même que dans ces Oasis, on y trouve abondamment Xhe dis arum alhagi, ce sainfoin du désert célèbre chez les écrivains orientaux, tandis qu’il ne croît, ni sur les terres trop grasses de Cyrène, ni dans les plaines argileuses de la Marmarique, ni à Au- giles. Une belle forêt de palmiers en couvre la surface. i. 36


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