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firmer. Il n’en est pas moins certain que ce canton devint, dans le sixième siècle de l’Hégire, le siège de l’empire de Barcah; et tandis que les villes de l’ancienne Pentapole tombaient en ruines, que Barcé réédifiée par les Ommiades n’était plus elle-même qu’une petite bourgade, les villes de Ladjedabiah et de Sort florissaient aux bords de la Syrte, et étaient, au rapport d’Edrisi, les plus considérables du troisième climat (Q, c’est-à-dire, de tout ce pays qui comprenait dans son vaste circuit la Marmarique et la Cyrénaïque. On trouve les ruines de la première de ces villes à treize lieues du cap Carcora, à trois des bords de la mer, et dans cette partie de la plaine qui sert de confins aux terres fertiles. Si l’on en juge par l’étendue qu’elles occupent, et les beaux débris qu’on y aperçoit, ce devait être en effet une ville assez considérable. Les mieux conservés de ces débris sont deux châteaux, dont un sé fait remarquer par ses grandes dimensions, par les pierres colossales de ses assises et l’élégance moresque de l’ensemble de l’édifice (2). Sur plusieurs voûtes en fer à cheval qui le décorent, on voit des inscriptions cufiques en grandes lettres très - frustes, dont un profond orientaliste pourrait tirer peut-être quelques lumières pour l’histoire obscure de Barcah. Il n’est pas superflu d’ajouter que dans les assises de ces deux édifices , comme dans un grand nombre de ceux que nous avons rencontres dans la Pentapole, on remarque plusieurs fragments d’inscriptions grecques tronquées et renversées. Cet indice, qui sert de nouvelle preuve au système de réédification adopté par tous les peuples qui ont successivement occupé cette contrée, peut servir aussi à retrouver dans ce lieu la situation de l’ancien Serapeum, éloigné, d’après l’Anonyme, de trois cent vingt stades de Chersis. Ladjedabiah est à treize lieues du cap Carcora, ce qui correspond exactement à la distance eitee; et Carcora parait convenir à la situation de Chersis auprès duquel était un port, a cause du mouillage qui existe auprès de ce cap, le seul ou du moins le meilleur de toute la côte orientale de la Syrte. De plus, en continuant à suivre les indications du même stadiasme, on pourrait aussi reconnaître, (1) E d risii A fric a , ed. Hartm. p. 3o i. (a) Voyez pl. LXXX1X , XC. mais non sans un peu d’imagination, la tour d’Hercule située à cent stades au nord de Serapeum, dans une construction informe que l’on rencontre à peu près à cette distance sur une pointe rocailleuse qui serait par Conséquent le promontoire Drepanum décrit par le stadiasme (1). Cette construction,, demeure actuelle d’un obscur Mourabout, repose sur des fondements antiques; et ses murs, malgré le profane mélange des blocs qui les composent, semblent trahir par leur grande vétusté une antique et vénérable origine. Quant à la seconde ville , celle de Sort, qu’Aboulféda place à deux cent trente milles de T ripoli, et Edrisi à deux cents pas des bords de la mer; je ne puis rien dire à son sujet, puisque je n’ai pas visité cette partie de la côte. Toutefois, si l'on en croit les récits des Arabes du canton, des ruines non moins considérables que celles de Làdjeda- biah, et portant encore le nom remarquable de Sort, qui n’e s t , comme on s’en aperçoit, qu’une altération de celui de S y r te , se trouveraient au fond du golfe. Cette ville aurait-elle remplacé l’ancienne C h ara x , ainsi que Ladjedabiah paraît avoir remplacé l’ancien Serapeum ? C’est ce qu’un Européen plus persévérant que moi se plaira peut-être à vérifier. Au sud de Ladjedabiah, le sol continue pendant quelque temps encore à être labourable, et présente çà et là de petits champs cultivés; puis le voisinage de la région des sables s’annonce par leur empiétement sur les terres; enfin à deux lieues de distance, terre et végétation disparaissent tout-à- fa it, et l’on entre dans le désert des Syrtes, désert affreux s’il en est ! Sans doute que des traditions antiques et une imagination prévenue influent sur l’effet que produisent sur nous les objets physiques : les noms des Syrtes fabuleuses et de leurs innombrables reptiles , les tourments qu’y éprouva le vertueux Caton et sa stoïque persévérance, sont propres, il faut l’avouer, à préparer l’esprit du voyageur au tableau qui se déroule devant lui et à en augmenter l’horreur. Néanmoins, quelque indifférent que l’on puisse être au pouvoir des souvenirs , je doute qu’un Européen aventuré pendant la chaude saison dans ces immenses solitudes pour s’avancer dans les terres, quoique familiarisé avec le sol de Libye, n’en ( l ) IrIARTB, p. 487.


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