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Yousouf, viennent s’installer durant trois années consécutives à l’extrémité de la province de Barcah, et, n’osant pénétrer eux-mêmes dans ses forêts, y envoient de temps à autre des émissaires , pour retirer ou pour essayer de retirer de leurs hôtes le tribut annuel, dont la totalité ne doit pas s’élever à moins de cent soixante mille piastres d’Espagne ? Mais à ces divers propos , il me semble entendre mon lecteur, justement fatigué de mes prolixes récits, se récrier et me dire qu’il est temps d’y mettre un terme. Tel est aussi mon dessein. Pour en atteindre plutôt le b u t , je me hâte de quitter Ben-Ghazi, ne pouvant toutefois me dispenser de prévenir les personnes curieuses d’aller visiter l’intéressante Cyrénaïque, qu’elles trouveront dans cette ville auprès de M. Rossoni, et à Tripoli auprès de M. Yattier de Bourville, des fonctionnaires dont le zèle cosmopolite pour les sciences, et l’obligeance pour ceux qui les cultivent, ajouteront de nouveaux charmes à leur pèlerinage aux champs classiques de Cyrène. Cela dit, je plie ma tente, et me dirigeant au Sud vers le désert des Syrtes, je vais résumer en peu de mots ce qui me reste à dire sur mon excursion en Libye, C’est apparemment aux bas-fonds qui avoisinent la côte de la grande Syrte, qu’il faut attribuer les traditions de l’antiquité sur les grands dangers que recélait ce golfe ; car dé nombreuses observations ont prouvé de nos jours qu’il est généralement dépourvu d’écueils et presque partout navigable. La côte orientale est celle qni paraît avoir été de tous temps la plus inhospitalière : témoin les expressions dont se sert à ce sujet le Périple anonyme ( i ) , et celles non moins caractéristiques de Mêla qui la désigne par importuoso littare pertinax. Aussi ne doit-on pas être surpris que malgré la bonne qualité du sol et les belles prairies qui bordent toute cette partie de la côte , depuis Bérénice jusqu’aux deux tiers de distance du fond du go lfe , les Cyrénéens n’y aient élevé aucune ville d’une grande importance. Il est même à remarquer, pour complément de ce fait, que Boriurn, la seule ville de ce canton qui ait acquis quelque illustration dans l’histoire de la Cyrénaïque, soit d’abord comme asile de la secte hébraïque dont elle renfermait un temple célèbre, soit, plus ta rd , comme boulevart de l’empire romain à Cyrène, loin d’avoir été élevée sur la côte, fut construite au contraire, d’après Procope, dans un étroit vallon (1), au pied du plateau cyrénéen, et vis-à-vis probablement du promontoire du même nom (2) ;■ qui en est distant de cinq ou six lieues. Des ruines surnommées par les Arabes Massakhit, comme celles d’A- phrodisias, sont indiquées à peu près dans cette localité ; quelque autre Européen pourra peut-être vérifier ce renseignement que je n’ai pu vérifier moi-même, et qui assurément n’est pas dépourvu d’intérêt. Quant aux autres bourgs et villages que les divers géographes de l’antiquité placent sur ce littoral, il n’en est aucun, je le répète, qui ait eu quelque importance commerciale ou politique : Ils nomment successivement depuis le promontoire Borion ou Boreum, Diachersis, Mastoras, Heracleum ou la tour d’Hercule, Drepanum, simple promontoire selon les uns (3), et ville selon d’autres (4) , enfin Serapeum., Diaroas et Apis qu’un observateur moderne a reconnu comme limite méridionale de la navigation le long de la côte orientale de la Syrte. Je ne parle point de Charax situé au fond du golfe, ni des autels des Philènes dont les vents ont depuis bien des siècles dispersé les témoignages mobiles. Mais par contraste, si ce canton n’attira que faiblement l’attention des Cyrénéens, 011 peut avancer que, si ce n’est à l’époque des Om- miades, du moins à celle des Fathimites, il fut préféré par les Sarrasins à la région montueuse. Les nombreux débris de bourgs et de villages appartenant à cette période qu’on rencontre dans toute l’étendue de ce littoral jusqu’aux étangs de Berss, dont j ’ai parlé, et les traditions bien plus concluantes des historiens orientaux, en sont des preuves assez fortes. Les belles prairies qui forment au printemps, de cette côte spacieuse, une immense plaine fleurie, convenaient-elles mieux aux moeurs chevaleresques et aux habitudes primitives des nouveaux possesseurs de cette contrée, que les montagnes voisines ? c’est ce qu’on ne saurait af- (1) P rocop. de Ædifi. 1. Y I , c. 2. (2) Ce promontoire fut nommé Borion par les Grecs, dit Solin, parce qu’il était constamment battu par lè vent du nord (S olin, Polyhist. c. 4°). Il prit dans la suite les noms d’Hypon et d'Hyporegius. (3) P to lém ée , 1. IV, c. 4. (4) E tie n n e de B ysance, au mot Drepane. 35.


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