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264 VOYAGE DANS LA MARMARIQUE E T L A CYRÉNAÏQUE. plus grande faute, au lieu de les incorporer comme les Carthaginois dans leurs armées, et de les employer à cultiver leurs champs, ils vécurent séparés d’eux, et presque toujours en hostilité : accumulation de négligences , ou pour mieux dire , défaut total de politique, qui fut peut-être la cause de l’instabilité du gouvernement de Cyrène même dans ses phases les plus brillantes, et qui occasiona certainement plus tard ces fréquentes invasions des Libyens dans les murs des cités de la Penta- pole, et leur déplorable saccage. Telles sont les notions que j ’ai pu retirer de mes promenades dans les champs abandonnés de la célèbre Cyrénaïque, et les observations que mes faibles lumières m’ont permis d émettre sur l’histoire et la géographie ancienne de cette intéressante contrée (i). L ’histoire de Cyrène ne devait pas être l’objet spécial de £e livre ; mais j ’ai cru utile d’en exposer les traits les plus saillants dans une courte Introduction, afin de rappeler en peu de mots ce que l’on ne trouve qu’épars parmi beaucoup d’ouvrages. Il n’en était pas de même de la géographie ancienne de la Cyrénaïque. Mannert a manqué d’observations locales ; Ritter n’a fait à ce sujet que traduire la relation de Della-Cella ; et cette relation est assurément plus archéologique que géographique. C’est donc vers cette branche de la science que j ’ai dû principalement diriger mes recherches dans les traditions de l’antiquité; elle me promettait des rapprochements intéressants à confronter, des points réellement neufs à établir ou du moins à proposer : c’est aussi ce que j ’ai assayé de faire. Puissent les juges de ces sortes de travaux me prouver par leur critique que je n’ai pas tout-à-fait perdu mon temps ! Ce qui me reste à dire sur ce voyage n’offre qu’un bien faible intérêt ; mais il accomplira la tâche que je me suis imposée pour le moment. Je vais donc parler des Oasis , voisines de la grande Syrte. . (i) A ce sujet, je répéterai ici avec plus d’exactitude ce que j ’ai dit ailleurs un peu vaguement : Je dois à l’obligeance du profond philologue M. Letronné l’explication verbale, et d’après le texte grec, de quelques passages obscurs des auteurs de l’antiquité, dont je n’ai consulté ordinairement que les traductions latines ; et à mon savant et respectable confrère M. Eyriès, l’avantage d’avoir pu profiter de plusieurs ouvrages en langüe .allemande que je ne connais pas. CHAP I TRE XX. Voyage à Audjelah. s k Grande Syrte. L a ville de Bérénice, je le répète, a presque totalement disparu sous la moderne Ben-Ghazi, et, d’après les faibles indices qui en restent, on ne peut se faire une idée exacte de son ancienne étendue. Quant au port qui occasionna la fondation des deux villes ancienne et moderne, il est un peu rétréci par l’envahissement des sables, sans être pour cela moins sur. Il présente encore une belle rade abritée par deux promontoires, dont le méridional est plat et couvert de palmiers, et le septentrional plus élevé, correspond au Pseudopenias de Strabon : un gros rocher que l’on aperçoit dans la mer à quelque distance de ce dernier promontoire , m’a paru être la petite île basse et noire servant dans l’antiquité à abriter les bateaux, ainsi que le rapporte le Périple anonyme (i). Puisque je ne retrouve que de rares et insignifiants vestiges de l’ancienne Bérénice, m’arrêterai-je long-temps dans les murs de la ville moderne ? Dénombrerai-je ses maisons plates et bâties sur le sable; ses habitants, Juifs, Mograbins et Arabes? Parlerai-je de son commerce de bestiaux, de miel et de laine? Ferai-je la description des jardins de la v ille , de ces petits champs dans le sable, dont le pourpier et le poivre- long font ordinairement les honneurs, et qu’ombragent quelques palmiers aux maigres panaches battus par les vents ? Ou bien renonçant à ces vétilles, d’ailleurs à la connaissance d’une foule d’Européens qui visitent Ben-Ghazi, peindrai-je le souverain de la moderne Cyrénaïque, entouré de sa cour d’Arabes déserteurs, et tenant nonchalamment son divan dans une masure délabrée, décorée du nom de château? A ce sujet, déroulerai-je la liste de ces seigneurs féodaux par la forme, et simples fermiers par le fait, q u i, en vertu de pouvoirs accordés par le pacha (r) I riarte, p. 487. 'I. 35


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