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caractère grandiose qui se dessine à nos yeux sous des traits d’autant plus majestueux , qu’ils appartiennent à ces temps reculés que nous apercevons bien plus par l’imagination que par la réalité. Quelque intéressant qu’il pourrait être d’examiner par des rapprochements historiques le développement de ces deux phases brillantes, de voir progressivement cet arbrisseau de l’Attique transplanté en L ib y e , germer, croître, et se couvrir de fleurs et de fruits, néanmoins le plan que j ’ai suivi dans cet écrit ne me permet pas, sans former une trop grande disparate, de m’é- tendre pour le moment sur ce sujet. Je dois donc me contenter de donner, d’après des indications locales, une idée succincte des relations commerciales des Cyrénéens : ce sera respecter, comme je l’ai fait jusqu’à présent, le titre de ce livre ; ce sera ne point dépasser mal à propos les limites d’un voyage. La position méditerranée de Cyrène indique| à elle seule, que l’agriculture dut être le premier objet des occupations de ses habitants : cè ne fut donc que lorsqu’ils se trouvèrent surchargés des biens que le sol leur offrait en profusion, qu’ils cherchèrent à les répandre au-dehors, et à les échanger contré des objets de luxe. É Ce développement de la prospérité sociale de la colonie de Théra ne fut pas tardif. Un demi-siècle s’était à peine écoulé depuis la fondation de Cyrène, que les richesses conventionnelles des Cyrénéens étaient très- considérables. C’est ce que l’on doit inférer du mécontentement du conquérant de l’Ég yp te , de Cambyse, qui se plaignit de la parcimonie des présents des Cyrénéens, montant toutefois à cinq cents mines d argent, tandis qu’il reçut favorablement ceux beaucoup plus faibles des nations voisines (i). Mais deux siècles après cette époque y les richesses des Cyrénéens avaient pris un accroissement bien autrement rap ide , puisque le plus pauvre d’entre eux possédait des anneaux de la valeur de dix mines, et dont le travail était admirable (a)1.' ' On ne peut douter que ce ne soit de l’intérieur de l’Afrique que les Cyrénéens aient retiré les matériaux précieux , tels que l’o r , l’argent et pierreries pour confectionner ces bijoux et les ouvrages numismatiques (1) Hérod. 1. III, i 3. (2) Eupole, dans Elien , 1. XII, 3o. dans lesquels ils n’excellaient pas moins (1) : ce dont nous sommes d ailleurs convaincus par les monuments parvenus jusqu’à nous. La position des Oasis d’Ammon et d’Augilles leur offrait des stations commodes pour ce commerce ; et Les relations que les Cyrénéens eurent avec la première de ces Oasis, sont aussi irrécusables qu’elles semblent avoir été bien suivies de tout temps. Lés colonnes votives ornées de dauphins que l’on rencontrait sur la route qui conduisait de Cyrène à Ammon , la similitude architectonique que l’on trouve entre les monuments de l’une et l’autre contrée, et le voyage des Cyrénéens qui servirent à Alexandre de guides et d’introducteurs, pour visiter le temple du dieu de la Libye ; indiquent en effet que ces relations furent établies long-temps avant le règne du héros macédonien, puisqu’à cette époque les Cyrénéens paraissent déjà avoir été les maîtres de cette Oasis. D’un autre côté, on sait que plus tard les Ptolémées s’en déclarèrent les protecteurs ; que sous les Romains elle fit partie du nome libyque, et qu’elle dépendait encore de ce nome à l’époque de Justinien. L ’étèndue de cette Oasis, la bonté de ses eaux thermales, la fertilité de son territoire , e t, répétons- le , son heureuse situation commerciale au centre de la L ib y e , expliquent cè continuel intérêt qu’elle inspira aux peuples- civilisés qui occupaient le littoral ; il en serait infailliblement de même de nos jou rs , si la civilisation retournait dans des régions qu’elle a trop long-temps délaissées. Quant à l’Oasis d’Augilles, privée de la plupart des avantages de la première, elle ne dut servir en tout temps que de simple station aux caravanes. Plus rapprochée de Cyrène que celle d’Ammon, elle offrait aux Cyrénéens un point de communication directe avec le pays des Garamantes, communication qui semble avoir eu quelque activité à cause des grenats que .l’on tirait du mont Atlas (2) , et surtout à cause de ce grand commerce de peaux de boeufs et de chèvres qui existait autrefois (3), comme il existe encore aujourd’hui, entre les habitants du Phazan et ceux de la Cyrénaïque. Charax, située sur les bords de la grande S yrte, était l’entrepôt du eom- (1) PoiATJX, 1. IX , c. 6. (2) Strabon, 1. XVII, c. 3 ; trad. franc, p. 479 * n- 6. (3) T h rig b , Hist. Cyren., p. n5y.


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