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CHAP I TRE XIX. Des relations commerciales des Cyrénéens. A près avoir exposé le plus succinctement qu il m a ete possible 1 état physique de la Cyrénaïque, tant par mes observations locales que par les documents de l’antiquité, il convient de jeter un coup d’oeil sur ceux de ses habitants qui de la Grèce introduisirent la civilisation dans cette région de l’Afrique. Il paraît que dans la haute antiquité, quoique la navigation peu hardie n’osât encore franchir l’immensité des mers, elle n’en était pas moins active sur les côtes, et qu’elle fournissait un nombre infini de pirates qui les infestaient. C ’est ce que la position des principales v illes, dans ces époques reculées, à quelque distance des bords de la mer, semble prouver; et sans sortir mal à propos de mon sujet, c’est ce que l’on peut affirmer relativement à Cyrène, d’après les éloges qu’Isocrate donne aux Cyrénéens, pour avoir eu la prudence de construire leur ville dans un lieu qui la mettait hors de la portée des invasions des ennemis (t). La même observation peut servir à expliquer la position méditerra- née des villes de Barce, de Naustathmus et d’Aphrodisias, situées chacune sur le sommet de la montagne, vis-à-vis des ports naturels que formait le rivage auprès d’elles. D’autres villes de la Cyrénaïque furent construites, il est v ra i, immédiatement sur la côté ; mais ces villes postérieures à Cyrène, furent entourées chacune d’enceintes fortifiées. D’ailleurs, l’étendue de la plaine qui séparait le meilleur port de ce littoral de la région élevée, occasiona la fondation de Bérénice. Quant à Apol- lonie et à Ptolémaïs , d’abord simples ports de villes méditerranées, elles ne durent la leu r , l ’une qu’au développement du commerce, et l’autre qu’au changement de dynastie, et ne devinrent apparemment villes considérables que lorsque la Pentapole plus puissante put repousser les pirates qui venaient infester ses côtes. Ces idées me conduisent naturellement à établir que les Cyrénéens, durant les deux périodes successives de la splendeur de leur colonie, pendant qu’ils furent gouvernés par leurs propres rois, et qu’ils se gouvernèrent eux-mêmes en république, n’eurent rien à redouter des habitants indigènes qu’ils parvinrent au contraire à faire retirer pour la plupart vers la partie méridionale d e là contrée. Mais, dès qu’ils furent tombés au pouvoir de Rome, soit par la négligence des préteurs, soit par la faiblesse qui suit ordinairement la perte de la liberté, ce ne fut plus les invasions maritimes qu’ils eurent davantage à craindre; ils se virent contraints de chercher à se maintenir sur le territoire même où ils avaient précédemment triomphé. La civilisation dut alors se replier sur elle-même ; elle dut s’entourer de remparts : les plaines lui devinrent funestes ; il lui fallut de profonds ravins, des escarpements abrupts pour se garder, des châteaux pour se défendre. Ce fut alors que les Libyens , auparavant dépouillés, devinrent à leur tour spoliateurs : ils attaquèrent les Cyrénéens dans les enceintes mêmes de leurs villes, portèrent le fer. et le feu dans les campagnes , en enlevèrent les récoltes et les troupeaux, et finirent par humilier à un tel point les usurpateurs du sol de leurs ayeux, que les misérables Cyrénéens, à leur approche, s’enfuyaient comme des troupeaux dans des chapelles fortifiées, et n’opposaient d’autres armes à leurs attaques que des larmes et de timides prières. Indépendamment des preuves historiques qui attestent chez les Cyrénéens ces deux phases générales de splendeur et de décadence , de force et de faiblesse, les ruines elles-mêmes nous en ont offert de plus irrécusables encore. Tous les châteaux situés dans l’intérieur des terres portent sans exception le caractère romain, et les deux seuls construits en des temps antérieurs, ceux de Lemschidi et de Lemlez qui dominent le golfe Nausth.am.us, furent infailliblement destinés par leur position à défendre cette importante partie du littoral contre les invasions maritimes. Ce n’e s t, en conséqueneè, que pendant les deux premières périodes de la colonie de T h é ra , que les Cyrénéens durent conserver le type de leur origine primitive, et présenter dans leur organisation politique ce 34.


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