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selle propre à guérir toutes sortes de maladies, à désinfecter les eaux corrompues et l’air mal-sain (i). Quoiqu’il soit probable que ces qualités aient été exagérées, cette exagération même explique la célébrité du silphium,, et la grande valeur qu’il eut dans l’antiquité. Non seulement les Cyrénéens, comme je l’ai dit autre part , consacrèrent cette plante au plus vertueux de leurs rois , et la reproduisirent sur leurs médailles; mais il est certain que son nom passa en proverbe comme symbole des richesses, et qu’elle fut le principal objet du commerce des Cyrénéens, surtout avec Carthage'et Athènes; enfin quune simple tige de silphium fut estimée comme un présent qui n’était point indigne des souverains et des dieux. On peut citer , entre autres preuves déjà exposées par le savant T h r ig e , le témoignage d’Her- mippe dans Athénée, d’après lequel le silphium était la plus précieuse marchandise des Cyrénéens; ce sycophante d’Aristophane qui affirme qu’il ne changerait pas son genre de v ie , lors meme qu on lui donnerait du silphium de Battus ; ces Ampeliotes (a), Libyens qui en- . voyèrent une tige de silphium au temple de Delphes, et un don semblable fait par les Cyrénéens à l’emperenr Néron. Enfin on peut juger du cas que les Romains faisaient du silphium, et de la haute valeur qu’il eut dans le commerce, puisqu’il fut enfermé dans le trésor public de Rome, et que César, au commencement de la guerre civile, en retira mille et cinq cents marcs d’a rgent; aussi ne devons-nous pas être surpris que les anciens aient appelé cette plante le trésor des Africains. Indépendamment de l’observation positive de Théophraste, ces différents passages historiques prouvent que, quoique une plante du même nom ait existé dans d’autres contrées, telles que la S y r ie , l’Arach, l’Arménie , la Médie , au mont Parnasse, et sur les montagnes qui séparent l’Inde de la Perse; néanmoins le silphium de la Cyrénaïque eut des qualités beaucoup supérieures à celui de ces contrées, qualités qu’il pouvait tenir du climat de la Libye , lors même que l’organisation .(i) P line, 1. XII, c. 2.3. . (2) Thrige pense que ces Ampeliotes, qui ne sont nommés, que je sache, par aucun autre auteur de l’antiquité que par Aristophane, habitaient quelque ville littorale de la Cyrénaïque ( Hisloria Cyrenes, p. 242 ). des plantes connues sous le même nom aurait été parfaitement semblable; ce que je ne saurais ni affirmer, ni contredire. Il paraît même que l’analogie la plus marquante de notre silphium avec celui de ces différents pays consistait dans l’emploi que l’on faisait de l’un et de l’autre comme comestible. A Cyrène on attendait que les feuilles fussent tombées pour en manger la tige après l’avoir corrigée par le feu ( 1 ), usage que les Grecs avaient pris des habitants indigènes (a) ; et l ’on sait que dans la Bactriane les soldats d’Alexandre, se trouvant dans une disette de vivres , se nourrirent de silphium abondant dans cette contrée (3). Il me reste encore à dire un mot de la disparition successive du silphium des montagnes de la Cyrénaïque, objet qui a provoqué les recherches d’une foule de savants, sans qu’ils lui aient trouvé une solution satisfaisante. En suivant la série des traditions de l’antiquité à ce sujet, nous voyons le silphium recueilli avec soin, et très - abondant dans la Cyrénaïque, tant que cet état fut autonome, et diminuer de plus en plus depuis qu’il fut devenu province romaine. En e ffet, Plaute qui vivait environ un siècle avant cet événement, nous apprend que l’on faisait encore de son temps d’abondantes récoltes de silphium (4). Il commença à devenir rare à l’époque de Strabon (5) ; on n’en trouvait presque plus à celle de Pline(6); et enfin dans le cinquième siècle, temps où vivait Synësius, on en conservait comme une rareté une plante dans un jardin (7); et cependant on le retrouve fréquemment sur les montagnes de Cyrène. L ’histoire, si je ne me trompe, fournit des preuves suffisantes pour expliquer ces contradictions. Strabon attribue la cause de la rareté du silphium, de son temps, à une invasion de Barbares qui avaient cherché à le détruire par l’extirpation même des racines ; Solin, en répétant ce (1) P lin e , 1. XIX ,-c. 3. (à) SOLIN. PoLYHST. C. 14- (3) Ælian. Varior. Hist. 1. XII, 87. (4) P la u te , Rudens, act. III sc. 2, v. i5, 16. (5) Strabon, 1. X V I I , c. 3. (6) Plin e, 1. XVIII, c. 3. (7) Synes. Epist. 106.


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