Page 160

27f 59

Arabes derias, et dont voici les principaux caractères : la racine fusi- forme, charnue, très-longue, est de couleur brune à sa surface; la tige striée atteint deux ou trois pieds de hauteur, et s’élève sur un collet épais, d’où jaillit, si on le casse, un suc laiteux abondant, et blanc comme celui des euphorbes. Les feuilles radicales sont nombreuses, luisantes, surcomposées; les caulinaires ont des lobes plus linéaires; les graines, terminant en petit paquet chaque ombellule, sont ovales, comprimées comme une feuille , entoureès d’une membrane transparente, et colorées d’un vernis argenté. La fleur se développe en été ; je ne l’ai pas vue, mais selon divers renseignements que j ’ai recueillis, elle est de couleur jaune, échancrée et très-ouverte. D’après cette analyse, on conviendra que cette ombellifere participe également des genres fe ru la et laserpitium; du premier, par la grande hauteur de la t ig e , et la forme ovale des semences ; et du second, par les membranes qui les accompagnent, et la forme echancree et tres- ouverte des corolles. Autorisé par ces derniers caractères, j ’ai classé cette plante dans le genre laserpitium ; mais, ne pouvant lui trouver des détails absolument conformes a aucune des especes de ce genre, je me suis décidé à la nommer laserpitium derias. E s t - il nécessaire que j ’insiste maintenant sur l’identité d’organisation extérieure qui existe entre mon laserpitium et le silphium des anciens ? On n’a qu’à comparer les analyses pour s’en convaincre ; je passe donc à des identités non moins frappantes provenant de leurs propriétés. Les naturalistes cités disent que le silphium faisait endormir les breb is , et éternuer les chèvres, et qu’en général il faisait mourir tout à cou p le bétail, ou bien qu’il le purgeait, et rendait sa chair meilleure. Mon laserpitium conserve encore l’une et l’autre propriétés, en faisant remarquer toutefois que la première n’agit que sur le bétail étranger à la Cyrénaique. J’ai fait mention, dès mon arrivée sur les montagnes de Barcah , des précautions que je fus obligé de prendre, d’après les avis des Arabes, pour empêcher les chameaux de ma caravane de manger le derias, qui à cette époque commençait à couvrir le sol des touffes de son feuillage annuel. Ces précautions étaient d autant plus indispensables , que mes chameaux, originaires d’Égypte, étaient en outre épuisés de fatigues ; car je sus bientôt par l’expérience que les plus faibles succombaient les premiers. C’est ce que Della-Cella d ’ailleurs avait déjà indiqué, en nous apprenant que les chameaux qui portaient les bagages de l’armée du Bey s’empoisonnaient en mangeant une ombellifere qui croît sur ces montagnes, et qu’une si grande mortalité éclata parmi eux , que l’armée fut menacée de les perdre tous. Cependant, grâce aux prudents conseils de son habile médecin, le Bey put en sauver une partie, en la faisant passer dans des pâturages où l’on ne trouvait pas cette funeste plante. Il paraît en outre que sa vertu excessivement purgative a une action plus violente encore lorsqu’elle est sèche, que lorsqu’elle est verte , puisque quelques brins de derias, mêlés par hasard parmi la paille que l’on donne aux bestiaux, suffisent pour tuer le chameau le plus robuste, né sous un autre ciel que celui de Barcah. Cette analogie de propriétés est frappante, il faut l’avouer ; mais de toutes celles que possédait le silphium, c’est la seule que nous pmissions constater. Les plus précieuses, obtenues par le secours de l’art, quoique germant infailliblement de nos jours avec la plante , y germent infructueusement. Celles-ci dérivaient du suc que l’on obtenait par incision de la tige et de la racine : on appelait le premier Thysias, et le second Caulias ; quelques auteurs ont même donné indistinctement à l’un et à l’autre le nom de Larmes de la Cyrénaique. Il paraît bien prouvé que celui de la racine était préférable à celui de la t ig e , en ce qu’il se conservait plus long-temps. Pour empêcher qu’il ne se corrompît, et surtout afin qu’il pût supporter le transport on y mêlait de la farine; invention que les Cyrénéens attribuaient à Aristée (i)* à ce propagateur des arts agricoles , que la fable a placé au nombre de leurs ayeux. Cependant on conçoit qu’en attaquant la racine d’une plante on s’exposait à la détruire ; aussi une loi avait prévu cet inconvénient : elle fixait le temps et la manière de faire l’incision, et la quantité de suc que l’on devait en tirer pour ne pas faire périr la plante (2). Si nous en croyons Pline, ce suc était une panacée univer- (1) Thrige, Hist. Cyren. p. 244* (2) T heophr. Hist. plant. L V l , c. 3. 33.


27f 59
To see the actual publication please follow the link above