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porte les caractères : je vais donc chercher à établir cette confrontation, et je recourrai d’abord aux anciens naturalistes. En réunissant divers passages de Theophraste sur cette plante, il en résulte que sa racine était épaisse, charnue, vivace ; sa tige, de la menie forme que celle du fenouil ; ses feuilles ressemblaient a celles du selinum ; et ses graines étaient larges et ailées, à-peu-près comme celles de la phyllis (i). Pline diffère peu , à ce sujet, du naturaliste grec , qu’il paraît même avoir copié, mais en donnant quelques renseignements de plus. La racine du silphium avait, d i t - i l , une ecorce noire, et plus dune coudée de longueur : à l’endroit ou elle sortait hors de terre était une grosse tubérosité, qui incisée produisait un suc laiteux. Ses graines étaient plates ; ses feuilles tombaient tous les ans , des que soufflait le vent du midi ; à cette époque , ajoute-t-il, elles étaient de couleur d’or, métamorphose que subissent un grand nombre de végétaux qui prennent, comme on le sait, cette couleur en automne (2). A ces renseignements il faut en joindre un autre non moins important, et qui aide a leur explication : c’est celui que nous fournissent les médailles de Cyrène. Sur plusieurs d’entre elles on v o i t , d’un cote, la tete de Jupiter Am- mon ou bien de Battus; et de l’autre, la figure du silphium, que l on reconnaît au premier coup d’oeil pour une ombellifere. lies feuilles decou- pees et opposées, la large gaîne qui enchâsse les pédoncules, la forme globuleuse des fleurs, et surtout de l’ombelle générale qui couronne la t ig e , indiquent évidemmént la famille de la plante décrite par Théo- phraste, avant que la floraison ait atteint son épanouissement. J’ajouterai que l ’espèce de base sur laquelle porte la plante paraît représenter la tubérosité de la racine mentionnée par Pline, et qui n’est autre chose, sans doute, qu’un collet très-charnu. Telle était la plante elle-même; voyons quelle fut sa localité. Selon Théophraste, le silphium croissait principalement aux environs du jardin des Hespérides (3) ; Scylax et Hérodote le placent très-distinctement dans la région littorale de la Pentapole libyque, depuis lile Pla- (1) Theophr. Hist. plant. 1. V I , c. 3. (2) P line , 1. X IX , c. 3. (3) Loc. cit. tée jusqu’à l’entrée de la grande S y r te (i) ; et Catulle, auprès de Cy- rene (a). Cependant plusieurs autres auteurs paraissent,. au contraire, les uns , tels qu’Arrien et Pline , reléguer le silphium sur la lisière des terres fertiles (3) ; les autres, tels que Strabon et Ptolémée, dans les parties centrales du désert au sud de la Cyrénaïque (4). Des savants ont trouvé un moyen fort simple de concilier ces opinions contradictoires, en adoptant pour la Cyrénaïque toute l’étendue que lui ont donnée quelques auteurs, c’est-à-dire, en y comprenant la région ammonienne. Partant ensuite de ce principe, ils ont cru approcher de la v é r ité , en supposant que lé silphium croissait dans toute cette vaste contrée, et que par cette raison on l’avait placé indifféremment au nord et au sud ; de là ils ont justifié Tépithète de Cyrénaïque silphifère, de Libye siphi- fère, que l’on trouve fréquemment chez les écrivains de l’antiquité. Malheureusement cette explication ne peut se concilier avec la nature du sol qui n’est point le même, il s’en faut beaucoup, dans la Libye septentrionale et méridionale. 11 est de toute impossibilité que la région qui s’étend au sud de Cyrène, formée de plaines de sable et d’îles de terre salée, ait dans aucun temps produit une plante qui offrît la moindre ressemblance avec le silphium, tel que les anciens et leurs monuments le décrivent. A in s i, renonçant pour mon compte à expliquer une contradiction qui me paraît inexplicable , je me bornerai à comparer mes observations avec celles des auteurs qui s’accordent avec la géologie de cette contrée, et qui réunissent en leur faveur deux considérations importantes : l’antériorité de l’époque où ils écrivaient, et la compétence de leurs traditions en pareille matière. Depuis les sommités qui dominent l’ancienne Chersonèse cyrénaïque jusqu’à la côte orientale de la Syrte , limites assignées par Scylax et Hérodote au silphium, on trouve fréquemment dans la partie septentrionale de cette région, et dans un espace qui s’étend tout au plus, vers le sud , à huit ou dix lieues du rivage, une grande ombellifère nommée par les (1) S c y la x , ed. Gronov. p. 108. H é ro d o te , 1. IV, 169. (2) Laserpiciferis jacet Cyrenis (Ode à Lesbie, v. 4)* (3) A r r i a n , de Exped. Alexand. 1. III, c. 28. P l in e , 1. V, c. 5. (4) S trab o n , 1. II, c. 5 ; 1. V I I, c. 3. P to lém é e , 1. IV, c. 4« I. 33


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