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V O Y A G E D A N S L A M A R M A R IQ U E de la Libye pût, même àces époques, reprendre tout son éclat, témoin les aimables couleurs dont nous la voyons parée dans les tableaux que Syné- sius en a diverses fois tracés. Il est vrai qu’un philosophe livré à un épicuréisme moral, et q u i, malgré son titre d’évêque, n’en était pas moins resté attaché aux idées platoniques, a dû nécessairement un peu embellir des peintures qui avaient pour objet les champs et les douces rêveries qu’ils inspirent. Écoutons-le ; il ne peut rester froid à l’aspect de ces verdoyantes campagnes colorées du soleil africain : il lui faut des comparaisons, il faut qu’il célèbre leurs charmes au détriment des plus belles contrées. Qu ’on lui vante, d it-il, Chypre, Hymette, ou la Phé- nicie; que chacun célèbre sa patrie; selon lui rien n’égale les champs de la Pentapole ; ils n’ont aucune production qui ne soit préférable aux productions des autres pays. Est-ce du vin que l’on parle ? Où le trouver plus léger qu’à Cyrène ? Est-ce du miel ? celui d’Hymette ne saurait lui être comparé : nulle part le miel n’est plus épais, l’huile plus douce, et le blé plus pesant. Qui pou rrait, ajoute-t-il ailleurs, voir d’un oeil indifférent ces vertes collines, ces gracieuses vallées de Cyrène ? Qui pourrait décrire ces frais asiles, ces grottes délicieuses où l’on rêve si agréablement sur des lits de mousse ? Qui pourrait surtout assister sans émotion au spectacle d’une belle matinée de la Pentapole, alors que les premiers rayons du soleil raniment la te rre , portent l’espérance dans le eoeur de fhomme, et inspirent la joie même aux animaux ; alors qu’on entend de toutes parts le hennissement des chevaux , le bêlement des brebis et des chèvres, et le murmure confus des abeilles qui se mettent en quête de leur riche butin, et vont errer de fleurs en fleurs ? Non, il n’y a pas de musique plus harmonieuse que celle produite par ces cris de la nature ; il n’en est pas qui porte à l’ame une plus douce volupté ! CHAP I TRE XVIII. Du silphium, et de quelques autres plantes de la Cyrénaïque connues dans l’antiquité. J ’a i exposé les principales notions laissées par l’antiquité sur la campagne de Cyrène, il me reste à parler de quelques plantes connues dans l’histoire par l’utilité qu’elles ont offerte aux anciens habitants de cette contrée : dans ce nombre il faut sans contredit mettre au premier rang le silphium. L ’imagination exerça une grande influence sur les croyances des àgeS antiques. Non seulement elle se plaisait à entourer de ses fictions le berceau des hommes célèbres ; elle répandait aussi du merveilleux sur l’origine d’un bois, d’une colline, d ’un jardin, et même d ’une plante , dont l’attrait ou l’utilité les accréditait parmi les hommes. C’est ainsi que le silphium de la Cyrénaïque, devenu célèbre par les propriétés qu’on lui reconnut, ne p u t , dans les croyances populaires, partager l’humble destinée des autres herbes des champs. Il lui fallut créer une origine spontanée ; il fallut faire opérer en sa faveur un miracle céleste : ce miracle fut une pluie de p o ix , et son époque fut fixée à l’an quatre cent trente de Rome, sept ans avant la fondation de Cyrène ( i). Loin d’adopter pour ce prétendu phénomène la solution invraisemblable de l’abbé Bëlley (a ) , on se doute bien que sur ce sujet, comme sur tant d’autres, on s’est servi de l’apparence pour la convertir en réalité , et que lé feuillage de notre plante doit percer annuellement le sol dès l’arrivée des premières pluies; mais de telles explications ne peuvent être fondées que sur la confrontation des notions laissées par l ’antiquité sur le silphium, avec une plante trouvée dans la Cyrénaïque, et qui en (i) T heo phr. de Causa plant. .1. I , c. 5. P l in e , 1. X IX , g. 3. (a) Belley suppose que les graines du silphium, portées par les venta de l’intérieur de l’Afrique au sol de Cyrène, y avaient germé et occasion? cette tradition (Mémoires de l’Académie, t. X X X Y I, p. 2a).


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