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La mère d’Arcésilas, sans être découragée par le dérisoire et allégorique présent d’un fuseau d’or, qu’elle avait reçu du roi de Salamine, au lieu d’une armée qu’elle lui avait demandée, parvint à intéresser à sa cause Aryandès, satrape du roi de Perse en Égypte. Mise à la tête de toutes les forces de ce pays, elle se dirigea sur Barcé; et, après s’être emparée par la ruse, d’une place que les armes n’avaient pu réduire par la force, Phérétime, dans son aveugle vengeance, n’épargna pas même son sexe. Elle eut la cruauté de faire couper le sein aux femmes des principaux Barceens, et fit suspendre ces honteux trophées autour des murs de la ville. Mais il est consolant de pouvoir ajouter qu’une pareille atrocité ne resta pas impunie : peu de temps après son glorieux triomphe, cette haineuse souveraine périt misérablement dévorée de vers, au milieu meme de ceux qu i, malgré leurs intentions secrètes, n’avaient retiré d’autre fruit d’une longue et dispendieuse expédition, que de servir d’instruments à la vengeance d’une femme. Le règne des Battiades dura deux cents ans environ; les Cyrénéens, fatigués des convulsions qui l’avaient agité, cherchèrent dans une autre forme de gouvernement, le bonheur et la tranquillité qui paraissaient les fuir. Us crurent obtenir cette tranquillité, en se chargeant eux-mêmes du soin de la maintenir; mais, quoique l’histoire n’ait laissé que fort peu de notions sur les événements qui se passèrent dans la colonie devenue république, néanmoins, le petit nombre de faits qu’elle éclaire, suffisent pour nous donner une idée de ceux qu’elle a laissés dans l’ombre. Alexandre avait conquis l’Égypte et s’avançait dans la Libye pour visiter l’oracle d’Ammon. Les Cyrénéens envoyèrent au héros macédonien des ambassadeurs avec une couronne et des présents considérables. Alexandre ne dédaigna point ces égards d’un peuple libre; il accepta ses présents, fit alliance avec lui, et suivit les ambassadeurs, qui l’accompagnèrent jusque dans le temple. Les guerres que Cyrène eut avec Carthage au sujet des limites des deux f î i f H IS T O R IQ U E . ïvij états, relevèrent aussi son existence politique ; l’on sait que ces guerres furent terminées et illustrées par le patriotique dévouement des deux frères Philoenes. Mais au dedans, elle fut plus que jamais, en proie à des troubles qu’ils attribuaient aux vices de l’organisation du gouvernement. En vain, dans cette persuasion, ils eurent recours à Platon pour le prier de leur donner de meilleures lois. « Leurs divisions provenaient de leurs et richesses, et ils avaient besoin d’être préparés par l’adversité » : telle fut la réponse du philosophe ( i):. Livrés à leurs propres institutions, les Cyrénéens tombèrent sous le joug de plusieurs tyrans. On peut en juger par la sédition excitée, vers l’an 4oo environ avant notre ère, par Ariston, qui fit périr presque tout le parti aristocratique; on peut citer le tyran Néocratis, qui, afin de satisfaire l’amour dont il était épris pour la femme de Ménalippe, prêtre d’Apollon, eut l’audace de faire égorger le ministre des autels, et de forcer sa veuve à passer dans ses bras. Les dieux outragés obtinrent, il est v ra i, une prompte vengeance, et la même passion qui avait fait commettre le crime servit à le venger. Ces usurpations du pouvoir, ces violences, entraînèrent des proscriptions ; vers la fin du règne d’A lexandre, un très-grand nombre de citoyens se trouvaient exilés de Cyrène;; ils se réunirent dans la Crète à Thimbron, qui, par le meurtre d’Harpalus, se trouvait possesseur des trésors d’Alexandre et d’une armée considérable. Thimbron entreprit de s’emparer de Cyrène; il alla mettre le siège devant '(i) Les habitants de la .ville de Cyrène prièrent une fois Platon de leur donner pai\ écrit de bonnes lois, et de leur tracer le plan d’un gouvernement nouveau ; ce qu’il refusa de faire, disant r- qu’il estoit bien malaisé de donner loix aux Cyreniens qui « estoient si riches et si opulents: car il n’est rien si hault à la main, si farouche, ne si « malaisé à domter et manier, qu’un personnage qui s’est persuadé d’estre heureux. » (Plutakq. Vie de Lucullus, trad. d’Amyot, t.'V, p. 59.) I. . c


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