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de retraite à leurs amours. Nous en retrouverions de meiue le fruit dans cet Aristée, l’objet de la tendresse de la nymphe Cyrène. Elevé dans ces forêts ombreuses, sur ces collines parfumées que fréquentent des essaims d’abeilles, Aristée eût ensuite enrichi l’Arcadie des merveilles qui entourèrent son enfance en Afrique. Quoique ces agréables fictions se décolorent souvent a 1 aspect des lieux qui en furent les objets, elles leur impriment néanmoins un intérêt qui croît encore, si ces contrées célèbres se trouvent maintenant abandonnées, ou bien en proie à de farouches habitants. Le fondateur de la colonie, connaissant tout le pouvoir d une religion séduisante sur l’imagination active du peuple dont il était le chef, donna dans son naissant royaume la plus grande majesté au culte des dieux : il fit planter, auprès de la ville, des bois qui leur furent consacres; un temple magnifique fut élevé devant la grotte de la nymphe Cyrène; ce temple fut dédié à Apollon ; et tandis que l’on conservait dans l’intérieur le feu éternel, les ondes de la fontaine traversaient, en murmurant, son sanctuaire. A ces pompes religieuses, Battus joignit de sages institutions politiques. Dans l’objet de cimenter l’union entre ses sujets, et de leur rappeler le souvenir de leur mère patrie, il établit à Cyrène les fetes carneennes que l’on célébrait à Sparte le septième du mois carneus. A cette époque mémorable, le peuple quittait ses travaux ; ií sortait de ses foyers ; il se portait, sans distinction d’âge ni de sexe, dans une plaine spacieuse, à l’ombre des thyons odorants ou des noueux siliquiers ; et là , après avoir imploré la clémence des dieux par des sacrifices solennels, on se livrait à la joie qu’inspirent les repas publics, et l’on exécutait des danses militaires. Reconnaissants de tant de bienfaits, les Cyrénéens, à la mort du premier de leurs ro is , lui rendirent les honneurs héroïques, et cherchèrent même, par des emblèmes ingénieux, à perpétuer le souvenir de la paix intérieure, et de la prospérité au dehors dont la colonie avait joui sous son heureux gouvernement. Ils lui consacrèrent le sylphium, symbole de leurs richesses,, et lui érigèrent un tombeau à l’extrémité du marché de la ville, afin que son ombre jouît du spectacle journalier des assemblées du peuple, et que le peuple eût toujours présent à la mémoire les vertus de ce bon roi.. Le règne du premier des Battus promettait à Cyrène de longues années de paix et de bonheur; mais ses successeurs, loin de suivre des traces si sagement indiquées, furent tous, assure Pindare, tyrans, impies et malheureux ; les récits de l’histoire se trouvent en cela d’accord avec le poète. En effet, quoique la colonie, peu d’années après son établissement, eut augmenté son territoire, repoussé les Libyens, et vaincu l’armée égyptienne qui était venue à leur secours, elle fut bientôt troublée par des dissensions causées par ses rois, qui ne surent pas mieux assurer leur bien-etre que celui du peuple qu’ils étaient appelés à gouverner. Les Cyrénéens, effrayés de ces désordres, s’adressèrent à un législateur de Mantinée, nommé Démonax. Celui-ci se rendit à leurs sollicitations; il partagea le peuple en trois tribus, lui rendit toutes les prérogatives dont les rois avaient joui jusqu’alors, et ne réserva pour le souverain que le domaine royal et la dignité sacerdotale. Toutefois ces règlements, commences sous la minorité de Battus III, ne subsistèrent que durant le règne de ce prince. Arcesilas I I I , son fils, jaloux de reprendre les droits de ses ancetres, quoiqu’il se fût soumis à payer un tribut à Cambyse, s efforça de détruire, a la faveur d’itn parti, les populaires institutions de Démonax. Il échoua d’abord dans ce projet, et fut même obligé de senfuir à Samos; là il réunit une armée, retourna avec elle à Cyrène, et parvint à ressaisir le pouvoir royal. Mais à peine en fut-il possesseur, qu il s’en servit pour assouvir ses ressentiments, et bientôt après il périt victime de ses propres cruautés à Barcé. Cette mort occasionna une vengeance des plus éclatantes dont l’histoire ait fait mention


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