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aux fictions aimables, mais trompeuses. Enfin l’islamisme envahit cette contrée; l’étendard de Mahomet remplaça la croix; signal de destruction, il flotta d'abord sur des forteresses, et bientôt sur des monceaux de ruines. Ces révolutions religieuses furent nécessairement liées à des révolutions politiques. Cyrène, après avoir été gouvernée par des rois, fut long-temps indépendante. Elle eut la gloire d’être 1 alliée d’Alexandre, et la honte d’être subjuguée par ses successeurs. Rome ne dédaigna point de la recevoir en testament; elle la traita d’abord comme fdle adoptive, et la réduisit ensuite au rang des provinces tributaires. Sous les Sarrasins, Cyrène n’existait plus; et quelques bourgades arabes s elevèrent sur les ruines de la Pentapole. Enfin, avili et dévasté, le sol qui avait été le théâtre d’une brillante civilisation fut abandonné à des hordes errantes qui, en l’occupant de nos jours, n’ont pas même conservé la mémoire de son ancienne splendeur. Mais ces différentes phases de prospérité et de décadence exigent quelque développement. Nous ne chercherons point à reconnaître quels furent les habitants de la Cyrénaïque dans les temps antérieurs à l’histoire ; si des peuples de diverse origine, tels que les Berbères, les Phéniciens et les Libyens, y formèrent une association politique, ou s’ils y vécurent séparés de moeurs et de langage; si le sol de la Pentapole avait des villes avant la fondation de Cyrène, et tant d’autres hypothèses que l’on ne peut d’adleurs avancer avec assurance que sur une connaissance approfondie de 1 histoire, et lorsqu’on est doué de ce tact qui seul peut faire jaillir la vérité du choc même d’une foule d’erreurs transmises par le temps, et par le temps accréditées. En nous bornant aux traditions qui dévoilent le berceau de cette colonie, on les trouve tellement liées à la fable, qu il est difficile de distinguer la vérité des fictions qui l’entourent. L ’île de Théra était affligée de plusieurs années de sécheresse, et ses habitants languissaient dans la disette. L ’oracle de Delphes, instruit peutêtre par l’expédition des Argonautes de la grande fertilité d’un canton de Libye, ordonne à un de leurs descendants d’aller sur cette terre hospitalière jouir des biens que refusait le sol natal. Après des tentatives infructueuses, Battus et ses colons arrivèrent dans un lieu dont le seul aspect surpasse les promesses de la Pythie. Ombragé par des forêts, arrosé par des sources, ce lieu s’étend d’un côté en plaine immense, et de l’autre descend en terrasses vers la mer. Les Libyens mêmes, secondant les intentions de l’oracle, engagèrent les Grecs à s’établir dans cet heureux canton: «Etrangers, leur dirent-ils, venez «partager en paix les dons que nous accorde la nature; ici la voûte du « ciel est entr’ouverte ; ici tombent ces pluies bienfaisantes qui fertilisent «nos terres et parent nos collines; plus loin elle est d’airain, et l’on ne « voit que de stériles solitudes. » Tel est le lieu où s’arrêtèrent les colons de Théra ; bientôt les murs d’une grande ville couronnèrent la sommité de la montagne, et cette ville fut appelée Cyrène. De même que dans toutes les traditions grecques, les historiens, rivalisant avec les poètes, ont entouré de gracieuses allégories l’origine de la ville aimée d’Apollon. Une contrée aussi riante, environnée d ’affreux déserts, devait avoir une nymphe pour protectrice; l’eau limpide qui jaillissait au milieu de la ville du sein d’une grotte mystérieuse, devait être une divinité qui présidât aux destinées de Cyrène. Tel fut, sous différentes formes, le sujet des inventions de la fable. L ’on pourrait même rapprocher de l’allégorie de Justin celle du poète de Mantoue : on pourrait supposer que la nymphe Cyrène, célébrée dans ses chants, en parcourant les côtes de son liquide empire, se serait arrêtée dans ce canton de Libye, charmée d’y respirer mi air aussi pur que dans l’Attique ; et tandis qu’elle aurait pénétré dans les réduits secrets des vallons solitaires, Apollon l’eût aperçue du haut de son char, il l’eût surprise dans ces bocages, qui dès-lors auraient servi


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