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Ces campements stationnaires des anciens Libyens, dont le nombre égale celui des sources de la partie méridionale du plateau, peuvent expliquer aussi une importante question géographique, qui se rattache à ces mêmes cantons de la Cyrénaique, et qui a induit en erreur un grand nombre d’érudits , dont il faut toutefois excepter le profond et judicieux Mannert. Il me paraît probable que les lieux placés , dans les tables de - Ptolémée, au midi de Cyrène, tels que Maranthis, A n d a n , Achabis, Echinos, Philaus, Arimanthos et autres, au lieu d’avoir été des villes ou des villages habités par les Cyrénéens, ne peuvent se rapporter qu’aux campements libyens, que j ’ai décrits; et que les plus méridionaux des bourgs occupés par la civilisation grecque ou romaine furent Hydrax et Palce- bisca, placés à si juste titre par Synésius aux confins de la Libye aride, et dont j ’ai précédemment indiqué la situation exacte. Cette solution, qui d’ailleurs n’est que le développement d’une idée émise à ce sujet par Mannert ( i ) , dispensera peut-être quelque systématique géographe, ou du moins me dispensera certainement moi-même de chercher parmi les noms plaqués par les Grecs sur ces tours libyennes, des traces de villes berbères, ou bien de faire à ce sujet toute autre conjecture de cette nature, en dépit même des ressources que présentent leurs noms modernes, Tkassis, Thégarebou et autres, étrangers, ee me semblé, à la langue arabe, et surtout malgré l’encourageant rapprochement qu’offre un d’entre e u x , Maraouèh, avec le Maranthis de Ptolémée. Mais en voilà assez sur les champs arides de la Libye cyrénaique, dernier asile de ses habitants indigènes : retournons à ses vertes campagnes, à ses ombreuses forêts ; c’est retourner au sol de la civilisation. Les poètes de la haute antiquité se sont plu à faire l’éloge de cette belle région. Homère en a vanté la riante et riche fertilité j1' Pindare l’a appelée la Frugifère, le Jardin de Jupiter, le Jardin de Venus; et le poète du sang royal de Cyrène s’est servi à-peu-près des mêmes.expres- sions. Mais, quoique ces désignations poétiques soient plus que suffisamment justifiées par l ’agréable aspect que les champs de Barcah offrent encore de nos jou rs , elles nous intéressent moins toutefois, pour le mo- (j) Géogr, des Grecs et des Romains, t. I I , p. 2, p. io 5. ment, que d’autres traditions plus arides, mais relatives à leurs productions. Selon Théophraste, les terres de la Cyrénaïque étaient légères, point trop fermentables, et vivifiées par un air pur et sec; l’olivier et le cyprès, ajoute-t-il, y parvenaient à une rare beauté (i). Diodore dit que non seulement ces terres étaient on ne peut pas plus fertiles; mais il cite entre autres leurs vignobles, leurs oliviers, leurs pâturages et leurs sources (2). Enfin, Arrien rapporte aussi qu’elles étaient très- herbeuses, abondamment arrosées, entrecoupées d’un grand nombre de belle? prairies,: et qu’elles produisaient toutes sortes de fruits (3). Parmi ses arbres fruitiers je nommerai, d’après l’énumération de Scylax déjà citée, les pommiers de toutes les espèces, les grenadiers, poiriers, arbousiers, mûriers, oliviers, amandiers et noyers. Il est presque superflu que je fasse remarquer que les pommiers et les noyers, étrangers au sol africain, furent nécessairement apportés en Libye par les Grecs ; ce qui p eu t, mieux que mes témoignages, donner une juste idée de l’heureuse situation des collines maritimes de Cyrène, par laquelle elles sont propres non seulement à la végétation de la plupart des plantes indigènes de l’A frique, mais de toutes celles qui parent et enrichissent les plus beaux cantons de l’Italie. Au nombre de ces dernières, il y en a même plusieurs oubliées par Scylax, et qui dans l’antiquité étaient, ou cultivées dans les jardins de Cyrène, ou croissaient naturellement dans ses champs, comme elles les couvrent encore de nos jo u r s , et comme j ’en ai bien des fois couvert mes pages descriptives : ce sont le figuier, le cornouiller et le lentisque. Si l’on désirait à ce sujet des preuves historiques, je pourrais citer ce passage de Plaute, où il est dit qu’un valet ne se nourrissait à Cyrène que de figues (4) , et cet autre de Pline , d’après lequel nous apprenons que les cornouilles et les fruits du lentisque servaient dans la Cyrénaïque à la préparation de certains aliments (5). Après ce coup d ’oeil général sur la campagne de Cyrène , je désirerais *(«) Theophb. 1. VI, c. 2 7 ; 1. IV, c. 3. (2) Diod. Sicul. 1. IV, c. 4- (3) A r r ian . de exped. Alex. c. ’28. (4) P la u t. Rudens, act. III, sc. 4- (5) P l in e , 1. X V .


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