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dieux ( i); rapprochement vers lequel j ai ete d autant plus facilement en- traîné, qu’un monument remarquable m’a paru l’appuyer. A l’extrémité de la forêt, et sur le flanc oriental du ravin qui lui sert de limite, on voit un sanctuaire creusé dans le ro c , et le plus grand comme le plus pittoresque de tous ceux que j ’ai vus dans la Pentapole. Des marches taillées avec un soin infini aident à y descendre de la plaine de Cyrene, comme a y monter du fond du ravin. Ces marches, assez larges pour que deux personnes puissent y passer de front, présentent le plus souvent une saillie hors du flanc du ravin, quelquefois y sont profondément creusées, et de telle manière qu’elles se trouvent enfouies entre deux murs de roche très-exhaussés. A ces différences occasionées par les angles brusques du ravin, la nature et le temps en ont ajouté d’autres: Le ciel pluvieux de la Cyrénaïque et sa chaleur fécondante donnent à la végétation une telle activité, qu’elle se glisse partout, remplit chaque cavité , couvre chaque élévation. Elle paraît même vouloir lutter de force avec la dureté des rocs : elle leur dispute à chaque pas le terrain, les divise en mille parties , pénètre dans leurs moindres crevasses ; enfin, pour revenir à mon sujet, elle change de faibles arbustes en arbres vigoureux, et présente des troncs noueux, d’épais ombrages sur des massifs de roche auparavant nus et polis : tel se trouve en effet le bel escalier qui conduit au sanctuaire. On pénètre dans l’hypogée par trois grandes marches, et l ’on arrive dans une vaste pièce quadrangulaire, entourée d’un banc large et peu élevé ; au fond on voit un autel carré, au-dessus duquel est une grande niche réservée à la statue de la divinité qui présidait a ce lieu. Les plantes saxatiles, et celles principalement qui aiment les endroits humides et ombreux , couvrent à un tel point les parois de 1 hypogee, qu il faut les en enlever par touffes, afin de pouvoir déchiffrer les inscriptions dont ces parois sont couvertes. Après ce dépouillement que 1 on fait a regret dans ce lieu antique, et comme si l’on portait sur ces champêtres décorations une main sacrilège, un simple coup d’oeil jete sur 1 ensemble des inscripf i) P in d ar e, Pytfi. Y. tions suffit pour nous convaincre qu’elles appartiennent à des époques bien différentes entre elles. Elles bariolent en tous sens, et de la manière la plus irrégulière, le moindre recoin de l’hypogée : les unes sont gravées profondément en lettres de cinq ou six pouces; les autres sont d ’une écriture si fine qu’à peine sont-elles perceptibles ; e t , considérées séparément, chacune d’elles est sans liaison avec celle qui la précède ou la suit, et ne forme jamais qu’une phrase très-courte, souvent tronquée par le temps. Puis on lit çà et là une foule de noms isolés, dont l’homonymie, quoiqu’elle ne soit peut-être qu’illusoire, produit néanmoins une agréable surprise : Tels sont ceux d'Aristocle, Alexandre, Jason, Agathocle, et autres. En résumant ces documents intéressants, il en résulte que ce lieu était un temple hypogée consacré probablement à l’une des principales divinités de Cyrène, et que les étrangers venaient le visiter, comme pour acquitter un pieux devoir. O r , la situation de ce monument religieux auprès de la seule forêt que l’on trouve sur la plaine de Cyrène, me paraît s’accorder parfaitement avec l’objet et l’origine présumés de ce b o is , qui remonterait par conséquent à la première phase de la colonisation grecque en Libye. Les cyprès majestueux qui le composent, seraient donc les descendants de ces arbres que le chef de la dynastie des Battiades consacra aux Dieux ! Et cette destination votiv e , fruit de la sage politique d’un roi populaire, aurait traversé les divers âges de la Pentapole : elle aurait survécu aux changements de gouvernement et de moeurs ; elle aurait été respectée par les maîtres successifs de cette contrée ; et n’aurait enfin échoué que contre la nouvelle religion de l ’Orient, contre l’austère christianisme, dont i c i , comme ailleurs, on retrouve les emblèmes dans de petites niches informes qui déparent l ’entrée du vénérable sanctuaire. Tels sont les tristes et rares débris que j ’ai aperçus dans le lieu où s’élevait autrefois Cyrène, et le petit nombre d’identités historiques que j ’ai pu établir sur eux avec quelque fondement. Pour donner une idée moins imparfaite de cette ville célèbre, et surtout de ses monuments, je voudrais envain suppléer aux ravages du temps par les ressources que présentent ordinairement les livres, ces autres débris des âges antiques,


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