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aussi avoir été nécessaire en été, sous le ciel brûlant de la L ib y e , pour abriter le peuple qui devait y venir de tous côtés étaler ses denrées. Cependant, si ces conjectures sur le marché de Cyrène sont fondées, elles réfutent les idées que Thrige a émises à ce sujet sur la foi d’un voyageur dont j ’ai naguère prouvé la crédulité, et que je trouve maintenant mauvais observateur. La longue série de grottes de la partie occidentale de la Nécropolis, précédemment décrites, et offrant, je le répète, la plupart des inscriptions tumulaires tant au dehors qu’à l’intérieur, ont paru à Lemaire autant de boutiques taillées dans le ro c , et contenant' des chambres et des fenêtres (i). D’après ce témoignage que d’autres pourraient traiter d’erreur grossière, il n’est pas surprenant que le savant Danois ait avancé que le marché de la ville de Cyrène existait dans le lieu indiqué, par Lemaire, et que ce lieu offrait une preuve de la grande activité du commerce des Cyrénéens (2). C ’est ainsi que les excursions rapides des voyageurs dans les contrées classiques , né pouvant leur permettre que des aperçus superficiels, servent parfois à obscurcir l’histoire au lieu de l’expliquer. Que si Lemaire, sans avoir aucune idée d’archéologie comparée, eût cependant donné quelque développement à ses descriptions ; s’il eût ajouté que ces boutiques se trouvaient sur le penchant abrupt de la montagne, qu’on ne pouvait y parvenir qu’en escaladant des ravins, ou en suivant un sentier très-étroit , il est hors de doute que, d’après ces indications, le profond érudit Thrige se serait bien gardé de placer dans ce lieu le marché d’une grande ville, où devaient arriver de tous côtés un grand nombre de charriots, où devait affluer une population agricole, commerciale et surtout très-riche. Ces considérations me font insister plus fortement sur la place que j ’ai indiquée au marché de Cyrène, dans la plaine aux confins méridionaux de la ville, et me suggèrent encore une idée sur ce lieu , idée très-vague, il est v ra i, et que je donne pour telle, sans pouvoir toutefois résister à l’attrait qu’elle me présente. A l’extrémité de la ru e , endroit non loin duquel, je suis forcé de me (1) Dans Paul-Lucas, t. II, p. go. (2) T hrige, Hist. Cyren. p. 268, 277. répéter, sont la citadelle et le marché de Cyrène , on trouve un groupe d’hypogées à façades d’ordre dorique très-ruinés, mais q u i, si l’on en juge par leurs débris, ne le cédaient ni par la magnificence du travail, ni par le grandiose des dimensions, aux plus beaux monuments de la Nécropolis. Pindare nous apprend que le tombeau de Battus premier fut placé à l’extrémité du marché de Cyrène ( i ) j et Catulle rappelle évidemment cette tradition en parlant du tombeau sàcré de Battus l’ancien (2). Serait-ce céder trop facilement à mon penchant pour les hypothèses, si je supposais qu’un de ces tombeaux qui élèvent encore auprès du parc, silencieux leur faîte décrépit, quoique sans doute réédifié , eût contenu primitivement les cendres du chef de la colonie de Théra ? J’ai cherché attentivement parmi les monceaux de débris qui encombrent les façades de ces tombeaux, et rien n’a pu aider à mes conjectures. Le nom de Car- néade, gravé sur un cube de marbre richement sculpté (4), a frappé mes yeux ; mais cette intéressante homonymie à laquelle j ’aurais désiré m’arrêter, fait Sourire involontairement l’esprit dans ces solitudes, sans pouvoir toutefois le convaincre. Il me reste à parler d’un autre fait, entraînant d’autres identités, et se rapportant à la même époque que les précédentes. Pour en prendre connaissance, il faut que, du point où je me trouve, je traverse les ruines de Cyrène dans leur plus grande étendue ; que j ’en franchisse l’enceinte présumée, et que j ’arrive à l’extrémité occidentale de la Nécropolis. J’ai fait mention des groupes d’arbres et d’arbustes qui ornent cette partie de la Nécropolis. Si l’on s’avance à travers le flanc de la montagne qui se prolonge vers l’ouest, le nombre de ces arbres augmente de plus en plus ; ils s’étendent même au-dessus du plateau dans l’espace de quelques minutes, jusqu’à ce qu’on rencontre un profond ravin , bordé de précipices et couvert d’une riche végétation. Cette forê t, la seule qui existé" sur la plaine et aux environs de Cyrène, rappelle le bois que le pieux Battus fit planter auprès de la ville, et qu’il consacra aux (1) Pindare, loc. cit. v. 124. (2) C atulle , Od. VI, v. 6. (3) Voyez pl. LXV, fig. 4*


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