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ractères de l’époque romaine, dont le plein cintre est mon indice ordinaire, e t, je crois, le plus sûr. Ses murs sont défendus à chaque angle par un bastion auquel vient se joindre une forte courtine; et six entrées, pareilles à celles que j ’ai fait remarquer aux édifices romains du même genre, s’aperçoivent à la base de l’enceinte, autour de laquelle règne un large fossé entouré lui-même d’une enceinte extérieure. Cette position du grand château de Cyrène à l’extrémité méridionale de la ville ne me paraît pas devoir surprendre. S’il est probable, comme je le démontrerai bientôt, que durant l’Autonomie, Cyrène n’eut point à redouter les incursions des Libyens ses voisins, il ne l’est pas moins qu’elle dut être forcée de les tenir en respect. O r , cette grande citadelle placée comme avant-poste vis-à-vis des bourgades indigènes de l’intérieur des terres, était bien propre, dans ces temps de force et de gloire, à répandre au besoin de son sein l’épouvante dans les plaines du su d , et à assurer à la brillante reine de la Libye au moins un empire d’éclat sur les hordes de Barbares qui l’entouraient. Mais lorsque, sous les préteurs romains, les temps furent devenus moins prospères, la citadelle dut également changer de destinée. Au lieu d’aider les Cyré- néens, comme dans l’Autonomie, à régner, sinon en souverains, du moins en seigneurs, sur les farouches Libyens, elle fut probablement réduite à servir de boulevart contre leurs attaques audacieuses. Sous ce dernier rapport, la position de la citadelle de Cyrène s’accorde parfaitement avec celle d’autres édifices semblables, que nous avons précédemment rencontrés dans des lieux éloignés du littoral. Sa réédification romaine est aussi un nouveau garant des inductions émises à ce sujet ; et cette réédification, jointe aux grandes dimensions de l’édifice et à l’aspect des nombreux débris de ses tours colossales qui couvrent maintenant le s o l , se r t, pour ainsi d ire , de commentaire aux affligeantes narrations de Synésius ; elle en offre même des preuves si évidentes, qu’il devient presque superflu d’ajouter que dans toute la plaine qui s’étend au sud de Cyrène, et à une distance de quatre ou cinq lieues, chaque colline est couronnée des ruines d’un petit château, ët que ces châteaux appartiennent tous à la même période de décadence et de détresse, à la période romaine. D’autres observations se rattachent au lieu où je me trouve, et me suggèrent d’autres rapprochements qui ne le cèdent p a s , à mes yeux , en vraisemblance et en intérêt au précédent. La rue finit auprès du grand château ; mais à ce point elle se change en chemin spacieux qui contourne brusquement vers l’est, conserve, pendant plusieurs lieues de distance , des traces d’anciens chars ou chariots , et conduit auprès des ruines de Limniade et de Thintis. Il est important de dire que les autres rues de Cyrène ne sont p a s , comme ce lle -c i, suivies de chemins qui paraissent avoir été frayés dans les temps antiques ; et quoique la conservation de celui dont il s’agit puisse être attribuée à sa direction orientale qui le fait servir par cette raison, de nos jours, de ligne de communication entre les habitants de Derne et les Scénites de Cyrène, néanmoins ce fait est remarquable, et aide puissamment aux conjectures que je vais émettre. Non loin de la citadelle, et vers le côté méridional du chemin, on voit un endroit spacieux qui paraît avoir été ceint autrefois de bornes. D’immenses caroubiers dont le tronc principal, profondément crevassé par le temps, est entouré et quelquefois soutenu d’une nombreuse famille de rejetons devenus arbres vigoureux à leur tour, sont irrégulièrement groupés çà et là , et forment de ce lieu un petit parc délicieusement ombragé. Cette circonstance est d’autant plus frappante, que le reste de la plaine occupée par les ruines de Cyrène est to u t -à -fa it dépourvu d’arbres. D’après ces observations, ne serait-on pas porté à croire que ce fut dans ce lieu qu’exista le marché de Cyrène, cité par le chantre des Pythiques ( 1 ), si l’on se rappelle surtout que dans l’antiquité les marchés étaient toujours séparés de la ville ? Il faut remarquer en outre que la partie la plus habitée de la Cyrénaïque fut incontestablement la partie orientale : le grand nombre de ruines que nous y avons rencontrées , et la situation même de la métropole relativement à ces ruines, en sont des preuves palpables. Or, le chemin qui traversait, de ce côté, plusieurs villes et une infinité de bourgs et villages , rendait la localité dont il s’agit très-favorable, pour un pays agricole , à l’établissement d’un marché public ; et l’espèce de parc que je viens de décrire semble (1) PlNDARE, Pyth. IY .


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