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pondent d’ailleurs symétriquement entre ellës. Quant aux peintures qui le bariolent bien plus qu’elles ne l’embellissent, voici quels en sont les emblèmes. Celui qu’on y a le plus souvent reproduit est la vigne du seigneur; mais ce symbole des premières époques de la chrétienté, n’imite pas mal i c i , par sa disposition, le thyrse de Bacchus. La voilà avec ses longues lianes, ses grappes pourprées, et ses larges feuilles grimpant autour de longs bâtons placés à côté des sarcophages. Autre part elle couvre des treillages figurés dans l’intérieur des cintres, ou bien elle forme une frise de festons tout autour du monument. Après cet emblème, le paon, accompagné de poissons, est celui qui frappe plusieurs fois les yeux. Dans d’autres grottes de la Nécropolis, je l’ai rencontre quelquefois peint isolément au-dessus de sarcophages, et je le vois ici formant le sujet principal d’un tableau qui occupe toute l’étendue d’un cintre. Il est placé dans un panier à auses, déployant circulairement la queue au milieu de bouquets de fleurs, parmi lesquelles il n’est point superflu de nommer des soucis et des pensées, qu’on aperçoit parmi des touffes de roses. L ’oiseau de Cérès est sans doute représenté dans ces lieux funèbres en guise d’offrande ; j ’en ignore la cause allégorique. Je pourrais, il est v ra i, supposer que ces peintures appartinssent a des Carpocratiens. Cette secte emprunta la plupart de ses symholes aux mystères de Cérès, et le paon pourrait en offrir ici un nouveau témoignage ; mais de pareilles interprétations sont trop hasardées ; je me contente donc de les indiquer avec circonspection, et je passe à une autre qui me paraît moins aventurée. Celle-ci m’est offerte par un tableau plus petit que les..précédents et mieux conservé. Un berger y est représenté la houlette à la main > entouré d’un troupeau, et portant un mouton sur les épaules. On reconnaît bien là le bon pasteur de la chrétienté, d’autant plus que la roideur des draperies et le mauvais goût du dessin indiquent le moyen â g e , époque de la décadence des arts. Mais voici encore autour du tableau des poissons de différentes espèces posés en offrande ; intention tellement évidente, qu’ils sont trois fois au moins plus grands que les moutons et le berger, et que l’artiste les a détaches du fond du tableau par une forte ombre, comme s’il avait voulu les y représenter suspendus en ex-voto (y). Ce n’est pas une chose indigne de remarque que de voir cet usage, après avoir traversé tant de siècles, être encore reproduit sur des monuments chrétiens de nos jours. Il n’y a personne qui ait visité l’Italie, et qui n’ait été frappé de ce grand nombre de poissons en argent, et quelquefois même en or, que l’on y voit suspendus dans les églises aux images des saints et des saintes. Je ferai grâce, à ce sujet, du flux ordinaire de mes observations et conjectures. Je dois avouer cependant qu’il est triste pour un Européen de parcourir des ruines qui remontent par leur nom aux époques les plus intéressantes de l’antiquité, et qui n’offrent dans leur état présent que le continuel désenchantement de ces époques. Ce n’est pas sans un fâcheux désappointement, qu’il ne rencontre sur le sol antique de Cyrène , au lieu des monuments vénérables des Battus et des Arcésilas, que de monotones mutilations romaines, couvertes des témoignages informes du génie chrétien du moyen âge. Aussi, fatigué parfois de me traîner si infructueusement dans les souterrains bouleversés de la Nécropolis, je m’en allais , comme par délassement, jouir des sites variés qu’elle présente au dehors. Je profitais de quelque belle matinée, pour faire d’oisives promenades sur les bords fleuris de ses riantes fontaines ; je me plaisais à voir leurs flots, brillants de fraîcheur et colorés du beau soleil d’Afrique, serpenter à travers des touffes de véroniques, de céleri, de cresson, et d’autres plantes aussi communes en Europe, mais que je voyais en L ibye comme d’anciennes connaissances, et qui m’en paraissaient douées d’un attrait nouveau. Le plus souvent je grimpais sur un rocher abrupt et élevé ; et soit que l’horizon éclairci me laissât distinguer la plaine unie de la mer, et quelque voile voyageuse venant peut-être, me disais-je, de la Provence; soit que l’o rage, agitant les forêts voisines et obscurcissant les airs, fit retentir autour de moi les innombrables tombeaux de mille cris confus, je reconnaissais, aux fortes impressions locales que j ’éprouvais, à cette foule de contrastes des temps passés avec les temps présents, que l’on peut essuyer de longues fatigues, être déçu de ses espérances, et ne point regretter ces jours d’exil passés loin de sa patrie. (1)- Voyez pl. LI. I. 28


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