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marques qu’elle peut suggérer, je les bornerai à une seule. Cette peinture est romaine, du moins telle est l’induction positive d’une assertion émise par un juge compétent en pareille matière, relativement à un autre sujet peint dans la même grotte, et qui appartient évidemment à la même époque (i). Cependant le costume des trois personnages, archontes ou pontifes n’importe, n’appartient pas assurément aux usages ni à la mythologie des Grecs et des Romains. La mitre, les grandes robes chamarrées de fleurs, les ceintures en bandelettes, rappellent au contraire, ce me semble, le costume des anciens peuples de l’Orient. Salluste dit que les Mèdes et les Arméniens s’établirent dès la plus haute antiquité en Libye, et qu’ils y contractèrent des alliances avec les habitants (2) ; et cette tradition de l’historien de la Numidie se trouve reproduite, quoique d’une manière plus vague, dans une chronique où il est dit, que les peuples qui habitaient les environs de Cyrène jusqu’à la Coelésyrie, étaient des colonies des Mèdes et des Perses (3). On pourrait donc induire de ces traditions appuyées de la peinture trouvée à Cyrène, que les usages des Mèdes ou des Arméniens, se seraient répandus dans une contrée où régnèrent tant d ’usages et de cultes différents; ce qui paraîtrait d’autant plus croyable, qu’il est rare qu’un peuple étranger se soit établi, ou n’ait fait même que passer dans une contrée quelconque, sans qu’il ait laissé chez les habitants des traces de son séjour ou de son passage. Cependant quelque attrayante que soit cette explication, par la filiation qu’elle établit entre des traditions d’une haute antiquité et un monument assez moderne, j ’avoue que les renseignements sur lesquels, elle repose me paraissent trop vagues pour me porter à l’adopter. S’il m’était permis d’avoir une opinion sur ce su jet, j ’aimerais mieux, dans mon antipathie pour tout ce qui tient au merveilleux dans les faits historiques, croire que ce monument appartient aux Israélites. L ’influence qu’ils exercèrent sur la Pentapole romaine est suffisamment connue. J’ai dit qu’ils eurent des archontes à Bérénice, que profitant de la faveur des Césars, leur nombre s’accrut tellement dans la Cyrénaïque, qu’ils y régnèrent presque (1) L etronïïe, Moniteur, 29 décembre 1825. (2) Saletjst. de bell. Jugurth. c. 18. (3) Chronic. Paschale, p. 32. en souverains. Y aurait-il donc de l’invraisemblance à supposer que ces sectaires, dans une des phases de leur puissance, eussent fait exécuter cette peinture, où l’on ne voit rien qui choque la législation et les - usages établis par Salomon ; où le costume rappelle au contraire celui des pontifes hébreux? Toutefois, quelque probable que puisse être cette hypothèse , je la livre, selon mon habitude, à la sanction des érudits; et, sans m’y arrêter davantage, je continue la visite de l’hypogée. Je suis vis-à-vis de la paroi du fond; à l’une de ses extrémités je remarque une- scène représentant la lutte et le pugilat. Certes voilà des formes athlétiques bien prononcées, et exposées dans tout leur jour : pas même une simple feuille de vigne ! D’une part les efforts, et de l’autre l’aplomb sont assez bien indiqués. Le sang coule des blessures et rougit le sol ; une des malheureuses victimes gît étendue sur l’arène ; du moins c’est là l ’intention de l’artiste; car malgré que l’athléte soit peint au- dessus du tableau comme s’il nageait dans les airs, il est censé être placé sur le plan horizontal ; mais cette inexpérience de perspective est assez connue dans les peintures antiques, pour que nous soyons surpris de la retrouver ici. La même réflexion s’applique à la position aérienne de deux vases contenant l’huile et les pinceaux qui servaient à oindre le corps : ces détails n’offrent aussi rien que de très-connu. Il n’en est pas de même d’un scorpion suspendu à une main isolée, et ainsi représenté à côté du tableau (i). J’ignore si ce reptile dépourvu de venin peut devenir, comme tant d’autres, l ’antidote du mal; mais il est remarquable que les habitants actuels de la Cyrénaïque se servent, disent-ils, du scorpion pour arrêter la putréfaction des blessures. Que cet usage réponde ou non à l’effet indiqué, c’est ce que je n’ai pu vérifier; il n’en résulte pas moins qu’il pourrait être le fruit d’une tradition antique, dont cette peinture semble offrir le témoignage. Le reste de la même paroi contenait la représentation d’une course de chars; elle se trouve tellement détériorée, qu’on ne peut plus distinguer que les indices de quatre quadriges, dont un toutefois est assez bien conservé : le char a la même forme que sur les y médailles ; le conducteur, le corps légèrement drapé et très-incliné vers (1) Voyez pl. L Ï I I , 2.


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