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nous avons choisie pour notre demeure ; il est exposé aux regards de tout venant. Cette belle situation lui a valu d’être brisé en plusieurs morceaux; cependant, comme nous sommes dans l’impuissance de charrier en Europe les monuments de la Cyrenaïque, il nous suffit de pouvoir réunir les fragments de celui-ci; et de cette restauration momentanée il résulte un ensemble moins orné que chez le precedent, mais qui plaît dans sa simplicité. Deux griffons ailés, d’un dessin assez pur, sont appuyés sur un candélabre funéraire, et des têtes de bouc et des guirlandes de fleurs ornent les deux autres côtés du sarcophage (j). Cependant ces emblèmes et ces détails, souvent reproduits par 1 antiquité sur de pareils monuments, ne nous apprennent rien de bien neuf; aussi, sans nous arrêter davantage auprès de celui-ci, nous allons continuer nos visites souterraines. Combien cette malheureuse Cyrénaïque n’a-t-elle pas été devastee ! Que les édifices exposés à la vue et au contact de l’air, aient péri sous les coups persévérants de cette rage destructive, on le conçoit d’autant plus facilement, qu’il faut attribuer une bonne part de ces ravages au temps, et au climat pluvieux de cette contrée. Mais que les réduits les plus cachés , que les excavations faites si profondément dans les entrailles de la terre, n’aient pu servir d’asile aux restes de l’art antique, déposés près de la'mort, et respectés dans d’autres contrées, où ils remontent à des époques infiniment plus reculées; c’est ce qui surprend tellement, qu’on se demande s’il n’a pas fallu autant d’efforts pour causer de si grands bouleversements que pour en préparer la cause. Que l’on choisisse indifféremment parmi les innombrables hypogées de Cyrène, on en trouvera peu qui ne présentent pas le tableau du plus épouvantable désordre, et que l’on puisse visiter sans éprouver de grandes difficultés. Après bien des peines, en a-t-on débarrassé l’entrée ? on rencontre aussitôt de nouveaux obstacles : ce sont des pilastres et des sarcophages renversés, ou bien des blocs de rocher détachés à coups de pieux des parois de la grotte ; il faut employer pour avancer les mêmes moyens qui ont servi à obstruer le passage. Y est-on parvenu ? on doit ensuite se traîner sur des agglomérations de terre, prendre mille précautions pour conserver allumée la bougie exploratrice, se croiser dans sa marche rampante avec des nuées de chauve-souris qui s’enfuient effrayées : en vain on détourne la tête, il faut supporter leurs hideux attouchements. Enfin est-on arrivé au fond dè la caverne ? trop heureux alors s i, après tant de fatigues, quelques fragments de peintures ou d’inscriptions, dignes récompenses de ces folies de jeunesse, viennent frapper les regards de l’Européen, et faire palpiter de plaisir son coeur inexpérient. Mais ces récompenses sont rares : le plus souvent il doit se contenter du plan stérile, dernière ressource de sa laborieuse investigation. D’après ce tableau", on croira sans peine que le résultat de ces visites souterraines, comparé aux obstacles qu’elles présentent, ne doit pas être d’une bien grande importance. Voici toutefois ce que j ’ai pu observer-. TJne petite grotte, taillée dans le flanc d’un ravin de la Nécropolis, offre plus de richesses monumentales à elle seule, que toutes les autres ensemble. Cette grotte , sans niches ni sarcophages, contient au milieu un puits sépulcral, et ses quatre parois sont couvertes de peintures qui paraissent représenter des jeux funéraires. La mieux conservée comme la plus remarquable de ces peintures, occupe toute la longueur d’une paroi : elle est composée d’une série de figures dont les unes, revêtues de riches costumes, exécutent une marche solennelle ; et les autres, divisées en plusieurs groupes et couvertes d’une simple draperie, donnent l’idée du peuple de Cyrène qui assiste à la cérémonie, et s’attroupe auprès des principaux personnages. En tête du tableau est une espèce de meuble, auprès duquel des jeunes gens sont occupés à préparer des mets , emblème sans doute des repas qui suivaient dans l’antiquité les fêtes populaires ; une table couverte de couronnes et de palmes le termine. Là se trouvent trois personnages mitrés, debout chacun sur un piédestal. L ’un d’entre eux est appuyé sûr une massue, l’autre paraît consacrer les palmes et les couronnes ; et le troisième, dans l’attitude d’orateur, semble attirer l’attention du peuple groupé auprès de lu i(i) . Tel est l’effet, qu’indépendamment de toute induction scientifique produit , au premier coup d’oe il, cette peinture intéressante. Quant aux re


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