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dépourvus du portique qui existe dans les précédents. Des pilastres de même forme, surmontés de mêmes chapiteaux, se succèdent également les uns aux autres; mais au lieu d’être séparés de l’entrée des grottes, ils sont simplement sculptés aux parois extérieures et latéralement à ces entrées. Le peu d’espace laissé aux architectes par la forme abrupte de la montagne est infailliblement la seule eause de cette différence. Cette économie forcée du sol se fait mieux sentir encore dans trois hypogées situés auprès de ces derniers. Un gros rocher qui s’avance en saillie n’a p u , malgré ses angles et ses massives irrégularités, se dérober aux efforts industrieux des Cyrénéens : deux grottes sépulcrales y sont creusées l ’une au-dessus de l’autre, mais de manière qu’elles décrivent entre elles, tant horizontalement que perpendiculairement, un angle très- aigu. On conçoit que les sinuosités primitives de la roche ont pu seules occasionner cette irrégularité des lignes de perspective. Au reste, la variété et la richesse de la végétation qui décore ces hypogées, paraissent être en harmonie avec cette bizarrerie de l’art et du site. Des genévriers de L yc ie , au tronc noueux, aux branches errantes, couronnent le rocher et en ombragent la pittoresque façade; à ses côtés s’élèvent des cyprès orientaux , qui par leur forme pyramidale servent, pour ainsi d ire , de cadre au tableau; et au-devant, parmi des bouquets de myrtes et de lauriers- roses, coule un ruisseau qui de cascade en cascade va se précipiter, à quelques pas de ce lieu , dans le fond du ravin. A ces massifs de végétation , que l’on oppose les teintes ocreuses du rocher et quelques croûtes bleuâtres peintes par le temps ; que l’on place dans les crevasses du ro c , sur les corniches des tombeaux, mille plantes saxátiles de teintes diverses et d’une floraison éclatante, telles que des renoncules, des seneçons, des giroflées, des sauges, des alyssons, des géraniums, et tant d’autres; que l’on entremêle ces belles plantes du peuple innombrable des petites graminées, et l’on n’aura qu’une faible idée des contrastes de formes, de couleur et d’a spect, que présentent ces hypogées, et que je donne comme type, pour ne pas me répéter sans cesse, des sites sauvages mais «harmants de toute la partie occidentale de la Nécropolis (i). Après cette esquisse rapide, de ce que les hypogées de Cyrène offrent de plus remarquable en perspective, il convient de pénétrer dans l’intérieur pour connaître ce qu’ils renferment. Sans quitter la partie de la Nécropolis où nous nous trouvons, mais en longeant vers le sud, le sentier étroit qui borde la série d’hypogées dont je viens de faire mention, nous apercevons cinq ou six grottes, dont les entrées encombrées de rocailles et de buissons épineux, ne semblent annoncer que d’informes cavernes. Cependant, comme les réduits les plus cachés, et les sites les plus bizarres sont ceux qui piquent davantage notre capricieuse imagination, loin de passer dédaigneux devant ces antres obscurs , nous mettons au contraire tout en oeuvre pour pouvoir y pénétrer. Pioches et bâtons sont tour à tour employés; serpents et hibous délogent à la hâte; enfin, après quelques égratignures et de petites contusions, nous voilà dans l’antre, et nous sommes obligés d’avouer que les travers d’esprit aident quelquefois aux découvertes de l’art. A peine nos yeux sont familiarisés avec l’obscurité, que nous nous trouvons en face d’un magnifique sarcophage en marbre blanc d’une parfaite conservation , et orné sur trois côtés d’élégants bas-reliefs. Des caryatides, à la pose gracieuse, à la draperie légère, et de jeunes garçons dont la ceinture n’est voilée que par un tablier, soutiennent des guirlandes de fleurs et de feuillage où pendent des grappes de raisin. Des têtes, emblèmes de deuil, ou des rosaces, occupent le centre des médaillons formés par les ondulations des guirlandes. Le couvercle très-massif est sculpté en feuilles imbriquées; les Arabes sont parvenus à le détourner de son plan vertical, pour enlever ce que le tombeau contenait : il n’est aucun monument de ce genre dans toute la Cyrénaïque, qui n’ait subi la même violation. En outre, l’hypogée est divisé en trois pièces , dont chacune contenait un sarcophage. Si l’on en juge par leurs débris, ils étaient tous d’un travail non moins achevé que celui qui est resté intact. Sur l’un était sculptée une chasse, et sur l’autre des griffons ; la perte de ce dernier ne cause pas de grands regrets, puisque nous allons en trouver un semblable, pour les emblèmes, dans un autre hypogée. Quant à celui-ci, il ne faut pas la même peine pour le découvrir : le voilà dans la plus vaste grotte de la Nécropolis, dans celle même que t. ' 27


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