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marches peu élevées. Chacune de ces terrasses présente une série rarement interrompue de façades de grottes sépulcrales, dont l’élégance et la variété du style, et surtout la conservation très-souvent intacte, forment un grand contraste avec les amas de débris qui les environnent. Des sarcophages monolithes, la plupart taillés dans la colline même, sont placés au-devant des terrasses, et bordent la série des façades. Ces sarcophages de roche grossière sans aucune espèce d’ornement, comparés aux pompeuses sépultures dont ils relèvent l’éclat, ressemblent plutôt à des blocs massifs de pierre qu’à des tombeaux. Us furent infailliblement destinés à la classe pauvre des Cyrénéens ; c’était ici le peuple, là étaient les grands : même distinction, même sort après la mort que durant la vie. Mais laissons là les tombes grossières des pauvres, elles n’apprennent rien en faveur de l’art ; et c’est de l’art que j ’ai promis de m’occuper. On peut établir comme règle générale, que partout où les localités permirent aux Cyrénéens de tailler leurs monuments funéraires dans la roche, au lieu de les bâtir, ils eu profitèrent soigneusement ; c’est ce que j ’ai fait plusieurs fois remarquer en parcourant les ruines de la Penta- pole, et ce qui se reproduit d’une manière plus frappante dans la Nécropolis de Cyrène. Ceci soit dit toutefois pour les personnes peu initiées dans la connaissance de l’architecture ancienne, car on est loin généralement d’ignorer que les tombeaux grecs et romains de l’Asie mineure et de la célèbre Petra présentent la même observation. En partant de ce principe, on ne sera donc pas surpris que, parmi toutes les. élégantes façades qui ornent cette Nécropolis, il y en ait peu qui ne soient au moins en partie taillées dans la roche : des accidents locaux seuls ont empêché quelquefois qu’elles ne le fussent entièrement. Dans ce dernier cas; on aéquarri, parfois horizontalement, parfois perpendiculairement, la roche formant la base , la moitié ou les trois quarts de la façade ; on a posé eùsuite au-dessus, à côté ou au milieu de la roche équarrie, des assises qui en ont rempli les lacunes, ou complété la hauteur et la largeur de la façade. Ces espèces de rapiécetages sont loin de déplaire à la vue, parce qu’ils sont faits avec beaucoup d’a r t , et que la partie de la façade taillée dans la colline même est sillonnée de lignes qui représentent des assises simulées, et succèdent avec régularité aux assises véritables. La solidité et la durée des monuments, tel fut sans doute le but de tant de soins ; et ce but n’a pas été trompé. Parmi ce grand nombre de tombeaux, le style dorique domine continuellement. Ôn le trouve quelquefois pur avec ses colonnes cannelées, ses triglyphes et ses gouttières; quelquefois il est modifié par des détails égyptiens, tels que des corniches et des encadrements; et d’autres fois il forme un style à part, qu i, tout en conservant son type originel, paraît néanmoins appartenir en propre à l’architecture de Cyrène.- Les traits distinctifs de ce style sont des consoles en place de colonnes, et des angles obtus, dans les moindres moulures, au lieu d’angles droits. Non seulement ce style caractérise un grand nombre de monuments de la Pentapole, mais on le trouve exactement reproduit sur les édifices grecs ou romains de l’Oasis d’Ammon. Si l’histoire ne nous apprenait pas que la colonie des Ammoniens fut successivement alliée et dépendante de Cyrène autonome et soumise aux Romains, cette identité de formes architectoniques le ferait présumer ; elle sert du moins à constater les témoignages de l’antiquité. Cependant toutes les grottes de cette Nécropolis ne sont pas ornées de façades à ordres d’architecture; 011 y en trouve quelques-unes pareilles à celles décrites dans d’autres cantons de la Cyrénaique, et dont l’entrée n’est qu’un simple carré pratiqué dans la roche. Celles-ci sont-elles antérieures ou postérieures aux précédentes? c’est ce que je ne saurais affirmer, malgré que par plusieurs raisons je sois porté à pencher vers la première hypothèse. Quoi qu’il en so it, ces dernières grottes méritent seules d’être appelées Hypogées, puisque seules elles contiennent de vastes appartements souterrains, qui s’avancent quelquefois très-loin dans la montagne. Les autres seront mieux désignées en les nommant Mausolées-excavés ; c a r , loin de contenir de grandes salles sépulcrales, elles ne sont composées au contraire, que de deux à six caisses funéraires, séparées par des cloisons taillées avec un soin infini dans le ro c , et se terminant à la façade en pilastres ou en colonnes. Ces caisses, toujours égales en largeur, quelquefois inégales en hauteur et profondeur, sont elles-mêmes divisées par d’autres cloisons horizontales posées sur des étais, ou taillées aussi dans le roc. Les mausolées des


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