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surmontés d’un demi-cercle ou d’un triangle plus ou moins aigu, et tantôt une porte à deux colonnes couronnée d’une rosace. Quelle que soit la forme de ces encadrements, ils sont toujours accompagnés de deux espèces de tenons, comme s’ils étaient suspendus à la paroi de la grotte. Ces petits tableaux, sculptés çà et là sur la roche b ru te , offrent un attrait particulier : ils semblent témoigner qu’une pensée tumulaire fut le seul ornement dont les familles des défunts voulurent décorer ces asiles de deuil. Cependant d’autres monuments funéraires présentent encore à Ptolémaïs un autre genre d’intérêt. Le système d’architecture que nous avons aperçu en petit auprès du village de Djaborah se retrouve ici avec plus de développement. Une colline, située à l’occident des ruines, fut profondément taillée pour ménager, à certains intervalles, des masses carrées de rocher creusées en tombeaux. Toutefois ce système ne put s’étendre jusqu’au plus considérable d’entre e u x , dont la base seule est en massif de roche, et le reste en belles assises couronnées d’une frise en triglyphes. Ce mausolée contient deux étages : l’inférieur est divisé superficiellement en dix caveaux, et horizontalement en cinq cellules de chaque côté; l’entrée en est triangulaire, et formée par l’avancement successif des assises qui finissent par se joindre. Cette dernière disposition est remarquable en ce quelle ne se trouve pas autre part dans la Cyrénaïque, et qu’elle est parfaitement conforme à l’entrée de la pyramide de Chéops, et à l’intérieur d’un des monuments lagidéens de la Marmarique'(i), D’après ces analogies égyptiennes, 011 est porté à attribuer cet édifice auxPtolémées, et à adopter l ’opinion de Della-Cella qui lui donne pour fondateur Pto- lémée Phÿscon. On sait que ce prince obtint, en vertu d’un décret du sénat de Rome, le gouvernement de la Libye orientale et de la Cyrénaïque, et vint y résider pour terminer les dissensions qu’il avait avec son frère Philométor. Il est donc probable , dit Della-Cella, que ce mausolée n’a pas été élevé avant cette époque ; et il l’est bien moins qu’il l’ait été pos térieurement ; car, d’après la jalousie connue des Égyptiens pour les honneurs de leur sépulture , on ne peut supposer que le premier roi (ï) Voyez pl. LX X, LXXI. égyptien de la Cyrénaïque n’ait pas cherché, dans la ville qu’il avait probablement fondée, à distinguer son tombeau de ceux de ses sujets. Je cite d’autant plus volontiers cette opinion très-vraisemblable de Della-Cella, que je me vois obligé de le combattre sur une autre qu’il a émise au sujet des ruines de Ptolémaïs, et de laquelle il résulte que tout ce qui reste de cette ville est pur égyptien, et de ce style q u i, bien que grossier, a quelque chose de grand qui frappe l’imagination-et imprime le respect. Assurément Della-Cella n’a pu fonder un pareil jugement que sur les croquis informes de Paul-Lucas, Norden et Pococke; car, s’il eût visité les monuments gigantesques de l’ancienne Ëgypte , il est hors de doute que cet habile voyageur, si judicieux sur tant d’autres points d’antiquité, n’aurait pas commis une erreur que j ’aurais volontiers passée sous silence, selon mon habitude, mais dont la réfutation m’a paru trop importante pour l’histoire archéologique de la Cyrénaïque. Les ruines de Ptolémaïs occupent environ quatre milles de circonférence. Cette grande étendue, et les beaux monuments que je viens d’indiquer, justifient les épithètes de très-remarquable et de très-grande ville que Ptolémée et le Périple anonyme donnent à cette v ille , et même les expressions de Procope qui loue son ancienne splendeur et sa grande population (1). Cependant hors le grand réservoir souterrain du temple, on ne trouve ni citerne ni source parmi ces ruines. Je fais cette observation, quoiqu’elle doive paraître d’une faible conséquence après la description d’Apollonie ; mais j ’en prends acte parce qu’elle prouve l’exactitude rigoureuse des renseignements transmis à ce sujet par l’antiquité. A Ptolémaïs comme à Apollonie, on trouve les vestiges d’un aqueduc qui conduisait les eaux de pluie du pied de la montagne dans l’intérieur de la ville ; et l’on peut avancer que cet aqueduc fut la seule cause de sa prospérité et de sa décadence alternatives. En effet, par la négligence des préteurs romains, il tomba en ruines à une époque antérieure au règne de Justinien, cë qui occasionna parmi les habitants une telle pénurie d’eau, qu’ils se virent la plupart forcés de déserter la ville. Cependant, grâces aux soins de cet empereur, l’aqueduc fut reconstruit ; et Ptolémaïs ne tarda pas à (1) De Ædific. 1. V I , c. 2.


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