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terreur, l’entourer comme autrefois de déserts; enfin, pour comble de similitude, elle donna son nom à toute la contrée, de même que les Barcéens avaient donné le leur à toutes les peuplades qui les entouraient. Rendons- nous maintenant à Ptolémaïs, dont j ’ai déjà indique la position. A peine avons-nous descendu les derniers contre-forts de la montagne, que nous nous trouvons en effet , comme le dit S cy la x , à cent stades de Barcé et sur les bords de la mer, les ruines de la ville des Ptolémées, dont les habitants actuels ont conservé, aussi fidèlement que leur langage le permettait, l’ancien nom dans celui de Tolometa.He même que les autres ruines des villes littorales que nous avons visitées, celles de Ptolémaïs sont en grande partie envahies par la mer ; mais des débris précieux, tels que des colonnes, des blocs de marbre et de porphyre , se trouvent ici en si grand nombre, qu’on peut les distinguer fort loin à travers la transparence des eaux. D’après cette description, il serait difficile de juger de l’ancienne disposition du port de là ville. Si l’on s’en rapporte à l’aspect qu’il offre dans son état actuel, il ne parait pas avoir jamais été aussi sûr que celui d’Apollonie. Quoi qu’il en so it, un gros rocher isolé couronné de pans de murs que l’on voit au nord-est, et à un quart de lieue du port, est sans contredit le même que l’île forti- 'fiée appelée Ilos par le Périple anonyme ( i) , Myrrnex par Ptolémée (A) et Synésius, et offrant suivant ce dernier un phare aux navigateurs (3). Quant aux monuments de Ptolémaïs, les seuls qui aient résisté aux outrages du temps se trouvent à quelque distance des bords de la me r, et sur les dernières ondulations de la montagne. Un des plus importants est une caserne romaine entouree d un large fosse, et d une double enceinte (4). Dans l’intérieur, on trouve encore dans un état parfait de conservation les fourneaux qui servaient aux usages domestiques des soldats. Sur la façade de l’édifrce on voit trois immenses blocs de grès intercalés dans ses assises, sur lesquels est une inscription grecque très- longue, mais tellement fruste, qu’un de nos plus célèbres philologues, ' (i) IrIARTE , p. 486. (a) L. 1Y , c. 4. (3) Epist. 4- (4) Voyez pl. L IX , fig. 2. M. Letronne, affirme que sa restitution complète est, sinon impossible, du moins très-difficile. Le peu qu’il nous en apprend augmente encore nos regrets, puisqu’elle contient un rescrit d’Anastase premier, relatif à divers sujets d’administration publique, et notamment au service militaire (1). Non loin de cette caserne, et à-peu-près au centre de la ville, sont les ruines d’un pronaos avec trois colonnes debout, seuls restes d’un temple romain au-dessous duquel règne un grand souterrain, divisé en neuf corridors enduits de ciment, et destiné infailliblement à servir de réservoir. Enfin à l’extrémité occidentale des ruines, on voit deux grandes constructions massives, espèce de pylône à inclinaison égyptienne qui paraît avoir formé l’entrée de la ville (2). Les autres monuments reconnaissables sont la plupart des grottes sépulcrales creusées dans les parois circulaires de cinq à six bassins qui bordent le rivage. Ces grottes intérieurement n’ont rien de remarquable; et quant à l’extérieur elles ne sauraient, quoi qu’en ait dit Della-Cella, être comparées à celles de Cyrène dont elles diffèrent autant par l’aspect général que par les détails particuliers. En e ffet, au lieu de ces façades doriques, si variées par leurs styles, si élégantes par leurs proportions, qui décorent la nécropolis de la capitale, nous ne voyons dans celles de Ptolémaïs que de petites entrées grossièrement taillées dans le roc, mais couvertes d’inscriptions gravées irrégulièrement et à diverses époques (3). Ces inscriptions se trouvent placées dans des encadrements qui figurent tantôt de simples carrés en relief ou en creux, tantôt des carrés oblongs (1) Journ. des Savants, mars 1826, p. 168. (2) Voyez pl. LXVIII; LIX, fig. 1; LXXII. (3) J’ai annoncé dans l’Avant-propos que cette Relation contiendrait la traduction des inscriptions par M. Letronne, travail que mon peu de connaissance de la langue grecque ne m’a pas permis, il s’en faut de beaucoup, d’entreprendre. Cependant, quoique depuis que j’ai écrit cet Avant-propos j ’aie eu la patience, ou plutôt la faiblesse, de passer deux années de veilles sur un sujet aussi obscur que la Cyrénaïque, je crains néanmoins que leur résultat ne soit resté bien faible, et peut-être un peu hasardé. D’après cette raison, je me suis décidé à ne point intercaler dans ce livre la traduction et les savantes explications de ces inscriptions, dont j ’aurais pu disposer, grâces à l’obligeance du profond philologue que j’ai nommé, mais qui auraient inévitablement contrasté avec moh érudition avanturée et mes phrases descriptives. Quelques blocs de marbre posés çà et là au milieu d’un frêle édifice auraient-ils pu le rendre plus solide ?


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