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S. Jérôme affirme que Barcé était l’ancienne capitale d’une peuplade libyenne (1), et nous trouvons dans Hérodote plusieurs passages qui me paraissent favorables à cette opinion. Sous le troisième roi de Cyrène, à une époque par conséquent antérieure à la fondation présumée de Barcé , il est question d’Adicran, roi des Libyens, q u i, outré des incursions que les Cyrénéens faisaient dans son territoire, implora le secours des Égyptiens pour les en chasser (2). Plus tard nous voyons un Arcésilas s’allier avec A la z ir , roi des Barcéens, et se réfugier ensuite auprès de ce prince (3). Or, les noms de ces rois de Libye ne sont point grecs, comme l’a fait remarquer Mannert ; et cette succession de souverains indigènes traitant avec une grande puissance telle que l’Égypte, et s’alliant avec la famille royale de Cyrène, suppose nécessairement chez eux une filiation de pouvoir, et un point central de résidence, d’autant plus que les Barcéens étaient assez avancés en état social, pour que les traditions aient rapporté que Minerve leur avait enseigné à conduire les chars, et Neptune à dompter les chevaux (4). Il paraît donc probable que Barcé ne fut pas fondée par les Grecs et à l’époque rapportée par Hérodote, mais seulement agrandie et reconstruite par eux à cette époque, et qu’elle dut être antérieurement en grand, ce que les bourgades méridionales de la Pentapole furent de tout temps en petit, c’est-à-dire, une enceinte spacieuse pour renfermer les troupeaux, et des tours élevées pour les défendre. Il résulte en outre des récits d ’Hérodote, qu’après même que les Barcéens se furent mêlés dans leur ville avec les Grecs, ils continuèrent à être gouvernés par leurs propres rois. La vengeance qu’ils exercèrent sur Arcésilas, vengeance qui s’étendit à leur souverain Alazir, occasionna un événement assez connu, pour qu’il soit superflu de le répéter. Tout le monde se rappelle aussi l’expédition d’Ariandès, le stratagème d’Amasis, la prise de Barcé et la perfide cruauté de Phérétime. Cette catastrophe porta une atteinte irréparable à la ville de Barcé : la majeure partie de ses habitants, réduits (1) Epist. ad Dardan. (2) H é ro d . 1. IV , i5 p . (3) Id. , ibid. 164. (4) Etienne, au mot Barce. en esclavage, furent envoyés en Égypte, et de là dans la Bactriane où ils fondèrent une bourgade qui porta le nom de leur ville natale. Aussi l’histoire se tait long-temps sur cette v ille , et ne recommence à éclairer ses annales que pour indiquer un nouvel événement qui , quoique moins funeste que le premier, porta néanmoins un coup plus terrible encore à l’existence politique de Barcé. Les Ptolémées furent à peine maîtres de la Pentapole, qu’ils fondèrent une ville sur le littoral dans le lieu même qui avait servi jusqu’alors de port à Barcé , et de même que nous avons vu Apollonie succéder en puissance à Cyrène, de même, à mesure que la ville nouvelle s’agrandit, elle attira dans ses murs les habitants grecs de l’ancienne, et la fit peu-à-peu oublier à un tel point, que la plupart des géographes l’ont confondue avec elle. Néanmoins, l’ancienne Barcé continua d’être habitée par les Libyens, mais comme ville libyenne, et non comme ville grecque. Ses habitants reprirent leurs anciennes habitudes ; ils recommencèrent leurs excursions, et acquirent un si grand renom par leurs brigandages, que toutes les peuplades de la Libye cyrénaïque se réunirent à eux , et ils furent collectivement désignés par le nom de Barcéens. En résumant les faits et les conjectures que je viens d’exposer sur la ville de Barcé, il ne faut point s’étonner des ténèbres dont elle est restée entourée dans l’h istoire, et qu’Eutrope, Ammien , Synésius, Anto- n in , Hiéroclès et Procope ne l’aient pas même nommée. Toutefois il me paraît-eertain que cette ville , habitée avant la colonisation grecque, survécut à tous ses désastres ; qu’après avoir été occupée d’abord par des Libyens seuls, et ensuite par des Libyens conjointement avec des Grecs et des Romains, elle joua encore un rôle important à l’époque chrétienne, et eut des pontifes de cette religion; que même dans ces derniers temps elle fut distinguée et indépendante de Ptolémaïs ( i); enfin que, tombée au pouvoir des Musulmans, elle fut rendue, pour ainsi d ir e , à ses destinées primitives. Elle vit alors la barbarie reconstruire ses murs, relever ses tours antiques, répandre de leur sommet l’épouvante et la ' f i j Geogr. sacra, p. 283, 284. L e Q u ien (Orien. Christ, t. II, p. 626), nomme trois évêques de Barcé, indépendamment de ceux de Ptolémaïs.


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