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les épaisses forêts, les bosquets dont elles sont couvertes ; je dénombrerai les espèces d’arbres et d’arbustes que j ’y rencontrerai ; et me trouvant dans un lieu ceint de toutes parts de précipices, de toutes parts inabordable; reconnaissant les mêmes plantes nommées par Scylax, je céderai à mon goût pour l’illusion, je me croirai dans l’ancien jardin des Hespérides. Je ferai plus, j ’essaierai d’expliquer des allégories par des allégories : le terrible dragon qui gardait le jardin mystérieux déroulera sa croupe rocailleuse à ma vue ; il le ceindra de ses sinueuses aspérités, et en défendra encore l’accès de nos jours à nos Argonautes de Gênes ou de Provence, mais en ceci mon imagination fera peu de frais. Pline me suggérera littéralement mon allusion , puisqu’il l’a déjà faite lui-même pour cet autre dragon de L ix o s , q u i, auprès des colonnes d’Hercule, comme le mien vis-à-vis de l’ancien Péloponèse, brave encore les efforts des tempêtes, et attend les interprétations des savants. La forme en promontoire de cet autre jardin des Hespérides, à-peu-prés semblable à celle du Phycus, les rochers dont il est hérissé, ou si l’on préfère, le bras de mer qui l’investit comme ferait une zone, ont suggéré aux Grecs, dit cet ancien naturaliste, de feindre qu’il était gardé par un dragon (i), Cependant, quoiqu’il soit parfois utile que chacun cède à ses goûts, je m’arrêterai dans ce débordement d’hypothèses, et leur souhaitant un bon accueil chez, les sévères critiques, je continuerai m e s promenades, prêt à recommencer à rêver, si l’occasion s’en présente. Ainsi je quitte Bénéghdem , et me dirigeant droit à l’ouest, à travers des vallées et des forêts qui offrent la plus piquante variété, j ’arrive à l’extrémité de cette partie du plateau : j ’en descends quelques marches et je me trouve auprès des ruines d’une ville distante de trois à quatre lieues de la mer, et située au milieu d’un groupe de collines dans une petite plaine très- fertile , nommée par les habitants Merdfèh, prairie. Des puits très-profonds, des tombeaux, et quelques pans de murailles, restes des temps antiques, peu intéressants par eux-mêmes, acquièrent néanmoins une grande importance, puisqu’ils servent à constater dans ce lieu l’ancienne existence d’une ville qui joua un rôle important dans l’histoire de la Cyrénaïque; je veux parler de Barcé. Il serait superflu d’exposer ici la méprise que plusieurs auteurs anciens et modernes ont faite en confondant cette ville avec Ptolémaïs, située vis-à-vis et aux bords de la mer. Mannert, Thrige et autres savants ont prouvé longuement cette erreur qu’il n’est plus permis de mettre en problème, après le témoignage oculaire de Della-Cella, et dont moh propre examen m’a to u t-à -fa it convaincu. Ainsi, nous récuserons les traditions de Strabon, P lin e , Suidas, ServiuS, et même d’Etienné q u i, pour trancher à sa manière les difficultés géographiques, donne à la première ville l’un et l’autre nom ( i ) ; et nous nous en rapporterons exclusivement aux renseignements donnés par Ptolémée ( â j, 'et antérieurement par Scylax qui distingue positivement ces deux v illes, plaéé l’üne dans l’intérieur des terres à cent stades de la mer, èt l’autre sur le littoral (3) , ce qui est parfaitement conforme à la disposition géologique des lieux , et aux ruines que l’on y trouve. Ge point admis, jetons un coup d’oeil sur les annales de cette ville célèbre dont l'histoire a conservé des traits intéressants. Il me paraît permis de penser contre l’assertion positive d’H érodbte, mais par induction de ce qu’il avance dans plusieurs passages, que Barcé serait peut-être antérieure à l’établissement des Grecs en Libÿe , ou que du moins elle serait originairement indépendante de leur colonisation. Cet historien dit que cette ville fut bâtie par lés frères d’Arcé- silas, quatrième roi de Cyrène (4j ; et Étienne de Byzance, quelle fut construite en briques, et que ses fondateurs furent Pèrsée, Zacyntbe, Aristomédon et Lycus (5), Ces deux traditions ne sont Contradictoires qu’en apparence:, puisque les fondateurs nommés par Etienne pourraient être les frères d’Arcésilas qu’Hérodote n’a point nommés : aussi n’est-ce pas de là que je tirerai mes inductions. (i) Mot Barce. (a) L. IV, c. 4. (3) Scylax, ed. Gronôv. p. 109. (4) Hérod. 1. IV, 160. (5) Loc. cit..


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