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m’empêche pas de faire correspondre Bénéghdem à l’ancienne Balacris, située sur la route qui conduisait à Ptolémaïs, à quinze milles de Cy- rène selon Ptolémée, et à douze selon Peutinger : ce dernier auteur dit que cette ville contenait un temple d’Esculape. Mais ce rapprochement serait peu important, s’il n’en provoquait un autre sur lequel se fondent principalement mes conjectures. Le nom de Balacris rappelle, en effet, celui de B alis , ville de L ib y e , dont nous connaissons plusieurs homonymes en Judée, et q u i, d’après Étienne de Bysance, était située auprès de Cyrène, et ainsi nommée à cause du dieu Baleus qui y avait un temple. Or, ce Baleus est évidemment le même que Baâl, divinité des Assyriens et des Phéniciens; et le savant commentateur d’Etienne, à qui cette analogie n’a point échappé, en induit que Balis n’eut point d’autre origine (i). On sait d’ailleurs que les Phéniciens bâtirent plusieurs villes sur le littoral d’Afrique, et leur donnèrent leurs noms, chose si connue dans l’histoire, qu’elle n’a pas besoin d’être appuyée d’aucune autre citation. Si nous rapprochons ces diverses observations, nous serons portés à nous croire dans un lieu des plus intéressants de la Cyrénaïque, et dont les ruines appartiendraient originairement à une époque antérieure à la colonisation grecque. Toutefois, examinons ces ruines, et voyons si leur état actuel peut aider en quelque chose à ces suppositions. Le site où elles se trouvent est un des plus âpres et des plus sauvages de la contrée de Barcah : de toutes parts on voit des vallées sinueuses et des gorges étroites. Vers le n o rd , la montagne s’incline graduellement jusqu’aux bords de la mer ; vers le su d , apparaissent plusieurs élévations sur les crêtes desquelles sont des restes d’anciens postes fortifiés. Quant aux ruines mêmes de Bénéghdem, elles sont éparses en partie au fond d’un vallon, et en partie sur des rochers abrupts. Là , comme ailleurs, on trouve de nombreuses excavations dans le roc ; mais leur aspect est tel qu’on ne saurait affirmer si elles servirent d’habitations ou de tombeaux. Point d’entrée régulière, point de voûte unie, point de salle rectangle : ce sont des cavernes la plupart naturelles, où l’on aper- (i’ Pimède, dans Étienne, mot Balis, n. 28. çoit toutefois çà et là quelques marques grossières du ciseau, et dont les seuls ornements consistent en touffes d’arum et de fétides aristoloches. Ainsi, quoique les ruines de Bénéghdem frappent l’imagination par je ne sais quoi d’antique et de mystérieux, elles ne donnent néanmoins aucun renseignement sur mes précédentes hypothèses : que les Phéniciens aient habité ou non ce cantony ¡aucun témoignage ne le prouve, ni ne le contredit. Je ne prendrai point pour tels des signes bizarres gravés irrégulièrement sur les parois des grottes ; j ’en ai donné ailleurs l’explication : je les trouve, il est vrai ic i, dans un lieu que les Phéniciens probablement ont habité, mais les voilà de même sur un château sarrasin. Passons donc à un autre sujet. Avant de nous éloigner davantage du promontoire Phycus, il convient d’examiner une question q u i, selon mes conjectures, s’y rattache; je veux parler du célèbre jardin des Hespérides. Je suis porté à douter au moins de l’opinion des savants Mannert, Thrige et Malte-Brun, lesquels, embarrassés de la confusion qui règne dans les notions de l’antiquité sur le jardin des Hespérides, trouvent plus simple de placer ce jardin plutôt dans les idées populaires que dans la réalité ; et dans la fable bien plus que dans la géographie. Les idées mythologiques se trouvent, il est vrai, dans l’antiquité, le plus souvent unies à l’h istoire, et tellement confondues avec e lle , qu’il devient difficile de les distinguer, mais non invraisemblable ni impossible. De ce que nous voyons ce fameux jardin placé successivement, par des traditions diverses, d’abord dans une île de l’O céan, ensuite à l’extrémité occidentale de l’Afrique, et enfin dans la Cyrénaïque, il ne résulte point que ce jardin soit le même : cette conformité de dénomination me paraît représenter une même idée, mais non une même localité ; et rien n’empêche de croire qu’il ait existé différents jardins des Hespérides, qui auront successivement pris ce nom de leur position occidentale à différentes régions. Mais mon objet n’est point ici de traiter des jardins, ou plutôt des localités diverses connues sous le même nom ; je dois me borner exclusivement à celui que l’antiquité place dans la Cyrénaïque. Son existence dans cette contrée est prouvée par les témoignages de Scylax, Hérodote, Strabon, Théophraste, et autres. 23.


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