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M. Della-Cella a donné des renseignements curieux. On doit regretter que cet habile voyageur n’ait pas parcouru d’autres cantons littoraux de la Pen- tapole, particulièrement ceux du lVaustathmus et d’Erythron. La science se serait enrichie de ses judicieuses observations, et les cabinets des col-, lections que l’on peut faire sur ces rivages, où les débris de divers genres de zoophytes se trouvent confondus avec ceux de.coquillages, et peuvent donner lieu à de singulières méprises aux yeux d’une personne peu exercée dans ces connaissances. Quant à moi, qui leur suis totalement étranger , au lieu de m’exposer à me eharger indifféremment de reliques ou de sachets de sable, j ’ai borné mon attention.a des choses plus futiles, mais qui m’offraient du moins un certain intérêt. De ce nombre est 1 observation que m’inspira la situation du port de Cyrene, et 1 aridité de sa plage, dépourvue de toutes parts d’arbres et de sources. Les anciens habitants, pour suppléer à la sécheresse du sol, construisirent un aqueduc qui traversait la plaine, depuis la région boisée ou le pied des montagnes, jusqu’aux bords de la mer. Quelques restes de cet aqueduc existent encore : ils sont formés de grands blocs monolithes placés sur une chaussée dont l’élévation diffère selon l’inégalité du terrain; on y voit des fragments d’inscriptions romaines, mais tellement frustes que je ne pus les déchiffrer, En outre, les Apolloniens profitèrent des endroits où la roche est à nu, pour y attirer les eaux des pluies, et creusèrent de toutes parts de vastes citernes. Ces dernières précautions étaient de nature à durer plus que la prem i è r e ; aussi leur utilité se fait-elle sentir encore de nos j ours, puisque seules elles fournissent aux besoins des Scénites qui occupent cette plage déserte. D’après cette description, il est peu de personnes qui ne se rappellent aussitôt une des plus jolies scènes de la comédie antique, et qui ne soient portées à admirer la fidélité des peintures locales de l’auteur. L ’aridité de la plage du port de Cyrène, la difficulté d’y trouver de l’eau, la peine qu’il faut prendre pour y creuser des puits, se trouvent en effet parfaitement peintes dans le Rudens de Plaute, où une cruche d^eau devient le prix des plus douces expressions, des plus aimables faveurs d’Ampelisqùe, même à l ’égard d’un valet (i). (i) Rudens, acte I I , sc; 4* Cependant, si je reconnais avec plaisir que la fidélité locale a été bien observée dans cette scène de la comédie du poète romain, je dois de même signaler les erreurs qu’il a commises dans les autres, non point en décrivant le rivage, mais d’après sa situation relative à celle de Cyrène. Nous ne connaissons encore la place qu’occupait cette ville que par les notions de l ’antiquité. Pline la met à onze milles des bords de la mer ( i ) ; Scylax et Strabon à quatre-vingts stades; et ce dernier ajoute qu’elle se trouvait sur le sommet des montagnes, situation qui devait encore en augmenter la distance par la difficulté d’y arriver. Comment concilier cet éloignement de Cyrène des bords de la mer, avec les voyages fréquents que Plaute fait faire à ses persoimages d’un de ces deux lieux à l’autre, dans un intervalle de huit ou neuf heures (a) ? De plus, Apollonie n’est pas une seule fois nommée par Plaute, et cependant cette ville pourrait seule convenir à la disposition de l’action du Rudens. Etienne de Byzance, comme nous l’avons fait remarquer, dit qu’Apol- lonie se nommait aussi Cyrène; mais cette raison, qui aurait tout l’air d’une excuse d’érudition, ne peut d’ailleurs être alléguée en faveur de Plaute, puisque, de même qu’Hérodote et Synésius, il fait mention du sénat de Cyrène. Dans la crainte que ces remarques ne dégénèrent en prétentieux commentaire, je les terminerai par cette simple observation. En général, les anciens poètes, au lieu d’être infidèles à l’exactitude géographique, aident au contraire à l’expliquer, et parfois même à l’établir. Que si nous trouvons ici Plaute contraire à ce principe, il me paraît vraisemblable qu’ayant pris le sujet de sa pièce d’un auteur grec, Diphile, comme il l’indique dans le prologue, il aura, par une nouvelle disposition de scènes, altéré celle d’un lieu que nous trouverions sans doute fidèle dans l’original s’il était parvenu jusqu’à nous. (i) L. IV, <•. 5. « (a) Le lieu de la scène est auprès du temple de Vénus, situé dans le voisinage du port de Cyrène. Des pêcheurs qui sont sortis le matin de.cette ville, commencent le.second acte. Dans le troisième, à la sixième scène, Pleusidippe traîne le marchand d’esclaves à Cyrène devant les juges. Dans le quatrième, Trachalion, valet de Pleusidippe, va le chercher, et est de retour avec lui de Cyrène à la scène première du cinquième acte. 22.


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