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détache les teintes claires et brillantes, par ses masses d ’ombre et la couleur lugubre de son feuillage. Ce contraste est souvent répété dans cette contrée, mais il ne cesse point de plaire; il a l’air d’ajouter une idée mélancolique aux sites les plus riants de la nature. Je reviens à mon idée. Est-il une personne d’un esprit assez sec, d’une imagination assez froide, qui n’éprouve une impression désagréable en entendant désigner un site si aimable par le nom barbare de Djaus? Cette sèche dénomination ne semble-t-elle point désenchanter le paysage? Si du moins elle offrait quelque légère tradition des temps antiques, on pourrait, avec ce secours, restituer à ce lieu le nom harmonieux qu il dut avoir autrefois, d’autant plus que de belles ruines attestent qu il fut de quelque importance dans les phases les plus brillantes de la Pentapole. A l’extrémité occidentale du bourg on voit en effet les ruines d u n grand édifice, dont il n’existe plus qu’une seule pièce construite en grandes assises, et couverte à la manière égyptienne (Voyez pl. X X ); dans les environs sont dispersés de grands blocs de marbre, restes défigurés de statues, parmi lesquels on ne peut distinguer que le torse gracieux d’une femme. De plus, de tels monuments, auprès d’un si petit bourg, annoncent le • voisinage d’une ville de quelque importance, ou du moins d’un canton anciennement très-habité. A peine s’est-on avancé de quelques minutes dans le sud, que l’une et l’autre conjecture se réalisent. D’après la formation géologique de cette contrée, dont nous avons déjà une idée, nous voyons la plaine succéder de nouveau aux escarpements des montagnes et aux profondes vallées. Cette plaine, que nous avons nommée plateau cyrénéen, présente ici à peu près le même aspect que dans les autres parties visitées, mais avetvdes témoignages d’une plus nombreuse population. Les ruines d’une ville, nommée actuellement Téreth, s’y trouvent entourées de traces de bourgs et de villages', dont le plus septentrional, situé à une heure de distance, est celui que nous venons de décrire. Sept pilastres, soutenant un entablement uni, restes dun grand édifice ; deux châteaux et plusieurs bassins ; ajoutons, quelques pans de murs et des voûtes; le tout construit ou creusé sur une petite élévation en forme de plateau : et l’on aura une idée des tristes débris de cette ville, à peu près semblables, comme on voit, à ceux de Lameloudèh. Cependant un bas-fond qui s’étend à l’ouést de la ville offre un aspect plus remarquable. On y. voit un grand nombre de sarcophages monolithes sans chaussée, les uns debout, les autres renversés, et la plupart à demi enfouis dans la terre : spectacle assez étrange dans une contrée où les tombeaux furent placés, ou isolément sur des élévations, ou alignés avec soin aux bords des chemins, ou bien ensevelis dans les entrailles de la terre. Il n’est point vraisemblable que des masses aussi lourdes, formées de roche grossière et sans aucune espèce d’ornement, aient été extraites des souterrains lors de l’envahissement de la Pentapole par des hordes barbares. Il me parut plus naturel de croire que cette prodigieuse quantité de sarcophages, épars maintenant sur la terre, bordaient autrefois les avenues de la ville; cet usage antique nous est déjà connu, et des exemples plus frappants le confirmeront. Attribuons, si l’on veut, cet étonnant désordre à des efforts dévastateurs; mais ces efforts auront seulement interrompu la série des tombeaux; le temps, auxiliaire puissant, les aura secondés; et ces deux causes auront successivement changé en un champ bouleversé,1 ces pieux et réguliers sentiers qui familiarisaient les anciens avec l’aspect hideux de la mort. Les ruines de Téreth ont un caractère plus antique que celles de Lameloudèh. Cette raison, et une légère analogie de nom, me firent soupçonner qu’elles pouvaient correspondre à Thintis, lieu placé par Ptolémée dans l’intérieur de la Cyrénaïque (t); cité comme ville, et sous une double dénomination, par Etienne de Byzance (2); et mieux.connu enfin comme évêché de la Pentapole chrétienne sous le nom de Disthis (3). Cependant, quelque vraisemblance que puissent acquérir de tels rapprochements, comme ils ne reposent que sur des renseignements très-vagues, il me suffit de les indiquer en passant sans trop m’y arrêter; d’autres plus hardis pourront les développer. Au nord, et à demi-heure de Téreth, sont d’autres ruines nommées Djahorah. Ici nous trouvons encore des tombeaux à côté des vestiges (1) Ptolbm. Geogr. 1. IV, c. 4* (2) Voc. Thestis, Tlijne. (3) Geogr, sacra, p. 284. Oriens, Ghrist. t. I I , p. 63o. I. 21


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