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rubans de roche de diverses couleurs. Sur une pelouse voisine se trouvait un enfant gardien d’un troupeau de chèvres. Ce jeune pâtre m’apprit que ces ruines se nomment Ghertapoulous, et que le vallon que nous avions sous les yeux porte le même nom; un ruisseau, a jo u ta - t - il, y coule dans toutes les saisons, et se rend dans le port (i). En résumant les observations que ces lieux nous ont offertes, il paraîtra surprenant que les anciens géographes n’aient point fait mention de cette ville dans le voisinage du Naustathmus, d’autant plus que ses ruines attestent qu’elle dut être très-florissante dans l’antiquité. L ’épithète de très-renommé, donnée par Strabon au Naustathmus, est un indice, il est vrai, de son ancienne splendeur; ces ruines la justifient complètement, mais elles n’en sont point l’objet ni l’induction directs. Toutefois, au défaut de renseignements précis, une tradition arabe n’est point à dédaigner. Le nom d'Hiarah ( i) , que les habitants donnent à un groupe de collines, au sud de Zaouani, ne porterait-il point à croire que ces lieux intéressants auraient formé dans l’antiquité le canton Hieræa, q u i, suivant Etienne de Byzance, était compris dans le pays de Cyrène (2)? Plus irrégulier encore dans le récit de cette excursion qu’elle ne le fut par elle-même, je n’ai point craint d’interrompre la série locale des endroits observés pour les réunir en groupes analogues, et les présenter séparément. Cette méthode est sans doute très-peu géographique ; mais je l’ai préférée pour d’autres sujets, et je la préfère encore pour ceux-ci. Une carte d’ailleurs peut suppléer à ce qu’elle a de défectueux; et j ’aime mieùx-y renvoyer mon lecteur, plutôt que de m’asservir à ne point faire un seul pas sans indiquer dans quel rhumb de vent. (1) Ce ruisseau est apparemment le même qui forme sur les bords du golfe les flaques d’eau que le Stadiasme paraît avoir connues. (2) M. Smith a indiqué le nom de ce lieu dans sa carte, mais il le place trop à l’orient. (3) Voce' Hieræa. CHA P ITR E X. Guerres entre les Arabes. — Vallée des Figuiers. -C e p e n o a n t de grands désordres troublaient la paix des solitudes de Barcah. Le départ du bey Mouhhni avait délivre les Arabes du faible respect qu’ils accordent au gouvernement de Tripoli, bien plus par l’effet de l ’habitude que par celui du pouvoir. Libre de toute contrainte, la haine héréditaire qui divise les différentes tribus s’était éveillée plus cruelle et plus sanglante que jamais. Les travaux agricoles étaient partout suspendus ou négligés; les uns n’osaient franchir les limites de leur territoire; les autres, plus hardis, allaient épier d’aventureuses et nocturnes vengeances; et la plupart, se réunissant en petits corps de cavalerie, faisaient d’audacieuses incursions, attaquaient leurs ennemis jusque dans les camps, ou bien en étaient attaqués à leur tour. Sur un sol dévasté par la Barbarie, la Barbarie cette fois se détruisait elle-même : chaque jour une mère ou une épouse pleuraient un fils ou un époux; leurs cris plaintifs retentissaient dans les vallées, ils étaient répétés par les échos des montagnes; et les mêmes échos répétaient à la fois des chants de guerre, signal de nouvelles douleurs, objet de veuvages nouveaux. Aux vengeances transmises par le temps, aux cruels effets de la loi du sang, se joignaient d ’autres meurtres encore : les bandits chassés des tribus, et exilés dans les cantons méridionaux de Barcah, reparaissaient ici de toutes parts. Les forêts étaient leur séjour, 1 endroit où ils épiaient leurs victimes; les cavernes en étouffaient les cris et servaient à cacher ces forfaits. Vous demanderez peut-être, ¿lecteur! comment un Européen, parcourant isolé ce théâtre de haineuses passions, pouvait en éviter le ehoc, et .se livrer à ‘des travaux qui exigent la paix et la sécurité? En satisfaisant à 1. 20


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