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rochers qu’en les voyant tout-à-coup métamorphosés en édifices dont l’étonnante conservation, l’élégance des formes, et les détails d’architecture s’accordaient pour les faire paraître au milieu'de la forêt d’arbustes comme par enchantement. Il est des sensations que les voyages seuls peuvent procurer : l’aspect de belles ruines restées inconnues durant plusieurs siècles n’en est pas une des plus faibles. Essayer de la reproduire, ce serait une tentative inutile. La contrée, le site, les circonstances, ajoutent à ces découvertes mille impressions différentes que l’on sent vivement, et que l’on ne saurait rendre. Je n’avais vu jusqu’alors rien de semblable dans les champs désolés de la Pentapole, et je n’y vis p a r la suite rien de plus beau que ces petits monuments. Les Arabes les nomment Zaoùani, et le lieu où ils sont situés MenaJthiet. Ce lieu correspond parfaitement à l’indication du pasteur du cap; mais la variété des sites, qui fait le charme de cette contrée, en rend les localités difficiles à trouver, lorsqu’on n’y est point conduit par un habitant du canton : encore faut-il que cet habitant y ait résidé depuis le bas âge; sinon, l’on s’expose à perdre beaucoup de temps dans les courses, et à barbouiller beaucoup de papier dans le récit, comme je viens de le faire, ce dont je demande toutefois excuse en faveur de l’utilité de l’avis. Cependant, l’agréable effet que produisent, au premier aspect, ces édifices placés dans une riante solitude, change bientôt de nature. A peine a-t-on jeté un coup-d’oeil dans l’intérieur que le prestige disparaît : ces jolis monuments sont encore des tombeaux. Le plus considérable contient une cloison longitudinale qui le divise en deux pièces, séparées elles-mêmes dans leur hauteur par trois rangées de dalles, formant autant de caveaux funéraires de toute la longueur du monument. Une belle frise dorique en contourne le sommet; et de riches sculptures ornent les côtés de la double entrée. De grands blocs mono'- lithes le couvrent; ils décrivent un triangle aplati, style gracieux que nous verrons très-souvent reproduit dans les tombeaux de la métropole. Tout le corps de l’édifice est élevé sur quatre rangées de larges assises disposées en escalier quadrilatère. Enfin, un antique olivier est placé au devant, et il en ombrage le faîte d’une manière aussi religieuse que pittoresque (Voyez pl. X V I et XIX, fig. i et ses détails). A quelques pas de ce magnifique mausolée on en voit un second moins grand, mais mieux conservé, et n’ayant qu’une seule pièce (Voyez pl. XVII et X IX , fig. 2 et ses détails). Deux autres se trouvent à une portée de fusil de ceux-ci : l’un, semblable au dernier, est enfoui dans le bosquet; l’autre diffère tout-à-fait des précédents. A ses petites dimensions, à sa forme de carré parfait, et surtout à sa surface plane, on dirait d’un autel antique élevé dans ces lieux en l’honneur de quelque divinité champêtre (Voyez pl. X V II et X IX , fig. 3). Aucune entrée n’y fut ménagée; après quelques efforts, ayant réussi à extraire une pierre de ses assises, je le trouvai divisé en trois cloisons, et totalement rempli de têtes d’enfant. Des monuments construits avec tant de soins, et un grand nombre de grottes sépulcrales ornées aussi de façades doriques que l’on voit auprès d’eux , indiquaient le voisinage d’une ancienne ville. J’en cherchai les vestiges dans les environs. Des traces de chars, dans la partie de la plaine où la roche est dépouillée de terre, frappèrent mes regards; j ’en suivis la direction, et elle me conduisit, non sans interruptions, durant un quart d’heure de marche dans l’est, auprès d’une forêt d’oliviers, où je trouvai enfin les ruines de la ville antique. Les incidents de cette excursion devaient m’offrir chacun des résultats nouveaux. Par leur singulière localité, ces ruines sont à la fois les mieux conservées et les plus bouleversées de toutes celles dont j ’ai parlé jusqu’ici. Un mur d’enceinte les entoure de toutes parts; selon les irrégularités du sol, il atteint trente pieds environ de hauteur, ou cinq à six seulement. Une grande porte cintrée est à son côté occidental. Dès qu’on l’a franchie, on se trouve dans un immense labyrinthe de pans de murs encore debout, de fûts de colonnes renversés, et de blocs de pierre entassés pêle-mêle, et entourant ensemble les troncs énormes d’un bois épais d’oliviers. Les divers étages que forme le feuillage de ces arbres majestueux ne laissent échapper çà et là que des rayons inégaux de lumière, et répandent un demi-jour vénérable sur ce vaste tableau d’uù poétique désordre. Cependant je m’aperçus que le plan général des ruines décrivait une pente insensible vers l’est. Je me rendis de ce côté , où un nouveau spectacle m’attendait. J’étais loin en effet de me croire sur la sommité d’un profond vallon dont les rives abruptes sont pittoresquement bariolées de


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