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Telles sont les ruines de la ville; ses environs, quoique sans édifices remarquables , sont plus intéressants. Les nombreux ravins qui avoisinent les bords de la mer sont remplis de grottes petites et sans ornements d’architecture, mais agréablement situées. Un chemin sillonné par les roues des chars antiques, et un aqueduc, suivent ensemble les contours de la montagne. L ’eau qui coulait autrefois dans l’aqueduc n’est point tarie ; mais de même que les anciens habitants ont abandonné ces lieux, elle a abandonné le lit qu’ils lui avaient tracé. On la voit se précipiter en cascade du sommet des rochers dans le fond d’un vallon voisin : elle y serpente dans toutes les saisons; s’y ramifie en plusieurs ruisseaux; et y entretient des prairies resserrées, mais herbeuses, séjour, depuis un temps immémorial, d’une famille arabe, B ou- Chafèh, qui a donné son nom à ce vallon. " La beauté sauvage de ce lieu, et surtout l’abondance d’eau, cause de sa fraîcheur continuelle, attirèrent l’attention des Cyrénéens. De vieux ceps de vigne, des troncs de mûriers et de grenadiers., restes d’anciennes cultures qu’on remarque à Bou-Chqfèh, indiquent qu’il fut de tout temps habité. Il est même vraisemblable qu’il le fut avant qu’on eût élevé la ville dont nous avons vu les ruines; les inductions suivantes portent du moins à le croire. Cette ville est l’ancienne Erythron, placée par le Périple anonyme à soixante-seize stades de Zephirium (i). Cette distance est peut- être un peu courte, mais, jointe à l’analogie du nom et à la proximité de Natroun du cap Erythra (aj qui s’avance dans l’est, elle ne nous laisse aucun doute sur ce sujet. Remarquons maintenant en faveur de l’opinion émise, qa’Erythron, du temps de Ptolémée, n’était encore qu’un simple « lieu dans le littoral de la Cyrénaïque (3) , tandis qu’il en est fait mention comme ville chez les écrivains postérieurs. C ’est sous ce titre qu’Etienne de Byzance (4), la Géographie sacrée (5) et Synésius en parlent; de plus, suivant ce dernier, Erythra était, comme nous l’avons déjà dit, (1) Iria rte , Bibli. Matrit. y. I , p. 486. (2) A rtém idore , Geogr. 1. V I I, fait mention d’un promontoire Erythra en Libye. (3) P tolém ée, 1. IV, e. 4* (4) Voce Erythra. (5) Geogr. sacra, p. 284. métropole ô!Hydrax et de Paloebisca. Il faut ajouter que ce philosophe chrétien, dont les écrits sont une mine féconde en précieux renseignements sur la Pentapole, a eu le soin de nous faire l’éloge de la source dont je viens de parler. La limpidité de, ses eaux, et leur saveur plus douce que le lait, étaient tellement appréciées à son époque, que dans un voyage maritime il aborda exprès à Erythrappour en approvisionner le navire (1). Le Stadiasme anonyme et Ptolémée s’accordent à placer à peu de distance (2), et à l’est & Erythra, Cher sis, que ce dernier auteur appelle un village (3). Il me paraît surprenant que, malgré les renseignements pris à Natroun même, les Arabes ne m’aient rien indiqué dans cette partie du littoral. Toutefois, comme je ne l’ai point visitée, je laisse à des voyageurs plus scrupuleux le soin de vérifier ce point de géographie ancienne ; d ’autres plus intéressants réclament mon attention. De Natroun on aperçoit à l’ouest le cap H a l-a l, banc de terre peu élevé qui s’avance dans la mer, et forme à son côté oriental un golfe spacieux et très-ouvert. Je me dirigeai vers ce cap en côtoyant le rivage, qui continue d’être séparé des montagnes par une petite plaine étroite et unie. Cette plaine devient plus spacieuse vers le centre du golfe; là on rencontre les ruines d’un village et de petites flaques d’eau dans le sable. Ces choses sont peu remarquables par elles-mêmes, mais elles servent à prouver la grande fidélité des détails transmis par le Périple anonyme, fidélité que nous nous plaisons à constater si souvent (4). J’arrivai à Ras-el-Hal-al après trois heures et demie de marche de Natroun. D’après cette distance, qui coïncide avec celle donnée par le même (1) Syîîes. Epist. 5i. Je lis dans cette épître, le golfe d'Erythra, au lieu du détroit de la mer R ouge, comme traduit le P. Pétau. Synésius part au point du jour du port Phycus, et arrive le soir à Erythra; rien de plus vraisemblable. Mais le faire arriver, dans une journée de navigation, du Phycus au détroit de la mer Rouge, c’est commettre une faute de bon sens inexplicable. (2) Six stades, d’après ce Périple ( Ir ia r te , p. 486). (3) P tolém ée, 1. IV, c. 4* (4) Entre Erythron et Naustathmus est un village, dit le Stadiasme; le golfe est très- ouvert; on y trouve de l’eau dans le sable (Ir ia r te , ibid).


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