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invasions maritimes, de même que ceux situés sur le sommet du plateau arrêtaient les invasions méridionales. Je rencontrai encore plusieurs ruines de tours et de villages, entre autres Kssariaden, Tegheigh, Agthas et Tebelbèh. Aucune de ces ruines ne contient rien de remarquable, si ce n’est la dernière, peu distante d’el- Hôch. Sur une colline isolée on voit un grand nombre de sarcophages en pierre calcaire; ils sont placés sur les côtés d’un chemin en spirale encore profondément sillonné par les chariots grecs ou romains qui servirent à transporter ces masses monolithes. La tour de Tebelbèh domine ce lieu ; elle conserve un pan de mur orné au sommet d’une frise en triglyphes : cette particularité non encore rencontrée auprès d’édifices pareils à celui-ci, prouverait qu’ils ne furent point dépourvus d’élégance. Déplus, au pied-du rocher sur lequel fut bâtie la tour, on voit un souterrain avec des dispositions nouvelles pour nous. Deux rangs de pilastres bien équarris sortent du sein d’une source, et se terminent en voûtes qui se prolongent fort avant dans la montagne. La transparence de la source invite à y pénétrer, malgré l’obscurité qui règne dans le fond. On enfonce d’abord dans l’eau jusqu’à la ceinture, et lorsqu’on est parvenu à une certaine distance de l’entrée, la profondeur devient plus considérable; mais on aperçoit alors au plafond une large ouverture cylindrique faite avec le ciseau, et correspondant en ligne droite à la tour qui se trouve à cent pieds environ au-dessus de la source. Cette découverte suffit à l’observateur. Il sort du souterrain en réfléchissant sur les grands travaux qu’entreprirent les anciens habitants pour établir des communications entre leurs postes fortifiés et les bassins naturels ou- artificiels, et sur les précautions qu’ils eurent d’assurer aux sources une libre circulation. Cependant, comme ces soins et ces travaux peuvent provenir de diverses époques, attendons, pour les déterminer, le résultat d’observations ultérieures. Nous voici arrivés sur la sommité des immenses contre-forts qui forment le soubassement du grand plateau cyrénéen. Nulle autre part dans la Pen- tapole je n’ai vu ces contre-forts si abrupts que dans cette partie du littoral. Il faut avoir une entière confiance dans les chevaux de Bareah pour parcourir sans crainte les sentiers étroits et rocailleux qui longent la cime de ces crêtes aiguës. Latéralement sont de profonds précipices dont les talus, quoique escarpés, sont couverts de toutes parts d’une végétation aussi belle que variée.’ La sauge, le romarin, diverses espèces de cystes, le serpolet et une foule d’autres plantes aromatiques croissent, dans une agréable confusion , au milieu de forêts d ’arbres et d’arbustes communs à toute la Pentapole septentrionale, et d’autres que je n’ai trouvés qu’ic i, tels que le pin blanc et le cyprès toujours vert. S’il est difficile de parcourir la sommité de ces contre-forts, il n’est pas plus aisé de les descendre. Lorsque nous fûmes enfin arrivés à leur base, nous nous trouvâmes sur une étroite lisière de terre qui sépare les montagnes des bords de la mer. Les ruines d’une ville nommée Natroun étaient devant nous. Les Arabes, ainsi que les enfants, envisagent rarement les objets sous leur aspect réel : ordinairement ils les confondent, le plus souvent ils les grossissent, et aperçoivent mille formes capricieuses dans les plus simples accidents de la nature. De là dérivent leurs rapports exagérés et tous les contes bleus qu’ils font aux voyageurs. Cependant par la même raison qu’il ne les faut jamais croire sur parole, il est toujours utile de vérifier leurs assertions. D’après leur fantasque imagination, ils m’avaient fait des descriptions bizarres de la ville dans la mer, car c’est ainsi qu’ils désignent les ruines de Natroun. La cause de cette dénomination, comme je m’y attendais , est fort simple. Cette ancienne ville fut bâtie sur une couche de terre de douze à quinze pieds d’épaisseur, au-dessous de laquelle se trouve une roche, tantôt de grès friable, et tantôt de brèche mal liée. Des fondements aussi peu solides n’ont pu résister aux efforts des vagues. Aussi ont-elles occasionné de tous côtés de grands éboulements : elles se sont avancées dans les ruines mêmes de la ville ; elles en ont fait crouler une partie dans leur sein; ont divisé l’autre en petits îlots; et formé enfin de ce qui tenait encore au continent un promontoire dont les-molles falaises, sans cesse battues par les flots, ne tarderont pas à devenir leur proie. Ce petit promontoire est totalement couvert de débris amoncelés dans le plus grand désordre. Des pans de murailles, des arcs détachés d’anciennes voûtes, des angles d’édifices, sortent çà et là du sein de la couche de terre que la mer a fait ébouler tout autour, et forment ensemble un aspect étrange, cause des récits merveilleux des Arabes.


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