III SAKINA LA* CHANT EUS E Madame X.... et la femme d’uo ancien consul me donnent au sujet de Sakina les renseignements qu’on va lire. Ils sont instructifs à plus d’un titre. On l ’appelle quelquefois, mais improprement, Sakné. Son mari qui est plus jeune qu’elle, la suit partout. C’est lui qui l’accompagne quand elle chante sur la scène ; caché derrière la toile qui le dérobe au public, il ci ie . Chatra Sakina (savante Sakina). Taïb, Sakina (c’est bien, Sakina). Cette femme a réellement cinquante ans. Elle est la coqueluche de tous les pachas qui tombent en pâmoison quand ils l’entendent chanter. Elle est surtout protégée par S..., avec lequel elle a eu des relations autrefois. S... l’estime et l ’aime d’une manière toute spéciale. Il l ’a créée bey, et en cette qualité Sakina a toujours chez elle un soldat de garde. Sakina était primitivement porteuse de boue dans les constructions, elle servait d’aide aux maçons. Or, comme elle avait une jolie voix, c’était elle qui chantait en allant chercher de la boue avec les autres petites filles. Un jour, elle aidait à porter du plâtre dans une habitation de la fille de Méhémed-Ali, la femme de Defterdaar, celle-ci, 1 ayant entendue chanter, la fit admettre parmi ses chanteuses. Sakina chantait et dansait autrefois, maintenant elle ne fait que chanter. Elle a une tyelle voix, mais elle n’est pas jolie; il paraît qu’elle n’a ni seins, ni hanches, ni formes. Elle n’a jamais eu d’enfants. Elle est chef de toutes les chanteuses. Si elle veut aller dans une maison, il lui faut la permission du Pacha. On lui donne d’avance dix gui- nées (250 francs), puis après la séance, on ajoute ce qu’on veut. Sakina est fort riche. Elle a sur son tarbouk pour 200,000 francs de diamants que lui a donnés Saïd-Pacha. Quand des gens riches se marient, on emprunte ce tarbouk .pour le mettre sur la tête de la mariée. On le rend après la cérémonie, Sakina le prête gratuitement. Comme les fellahs, Sakina porte des tatouages. Elle est tatouée au front, aux mains et au menton. C’est une femme dévergondée ; elle ne chante que pour les hommes. Son mari est un intermédiaire, et quand elle reçoit des visites, c’est lui qui garde la porte. Il est le sërviteur et en quelque sorte le domestique de la dame. Quand Sakina va faire une promenade, son mari court devant son âne. - Les Turcs disent de Sakina les choses les plus flatteuses. Elle fait aussi le bonheur des Européens et surtout des Levantins, et j ’ai entendu tout le monde s’extasier sur elle. Le jour même où elle a chanté chez M. M..., je causais à un monsieur levantin qui me disait que c’était une femme extraordinaire. Il paraît que son chant, assez peu compris des Européens, met les
27f 30-1
To see the actual publication please follow the link above