Page 75

27f 30-1

des mains. Au-dessous des reins, elle a une ceinture de perles de différentes couleurs. On aurait pu faire d’elle un portrait ravissant. La maison qu’elle habitait avait un seul étage. Et d’abord, on entre dans une pièce basse, puis on va dans une cour où l ’on prend un escalier droit sans rampe, qui mène à sa chambre. Pour tous meubles : un lit en osier sur lequel il y a un tapis, une espèce d’escabeau en bois, des branches sèches de palmier. Cette jeune fille me montre qu’elle sait danser comme à Kartoum ; ce sont de simples mouvements du corps très-licencieux. Je lui enlève sa chemise bleue, qu’elle met à cause de la chaleur, car elle me fait voir des habits plus beaux. Elle a de fort jolis yeux, des mains et des pieds ravissants, la paume des mains est peinte avec le henné. Elle est absolument privée de poils; ses doigts sont minces, effilés,-et ses mouvements très-gracieux. Je demeure un certain temps chez elle, car elle m’amuse beaucoup. En sortant de sa chambre je suis saisi par une de ses voisines qui demeure sur le même palier et qui me demande baschich. Elle m accompagne jusqu’à la porte, s’obstinant a placer sa main droite devant moi ; elle m’impatiente. Au Caire, les maisons de tolérance sont nombreuses, on peut y entrer sans être tracassé par personne. Quelques unes sont fort propres, on y trouve comme en France des salons de réception convenables. Comme on l’a vu précédemment, la chambre des prostituées est meublée simplement : un lit en fer, des matelas, un oreiller, quelquefois une chaise ou même un fauteuil. Les prostituées peuvent appartenir à toutes les classes de la société ; la classe des fellahs en fournit cependant le plus grand nombre. Certaines prostituées sont fort belles, mais souvent le tatouage les défigure ou bien elles allongent démesurément leurs oreilles en y suspendant tout ce qu’elles peuvent. Elles sont susceptibles d’attachement, ce dont je ne me doutais guère, mais les nombreux témoignages que j ’ai recueillis et mon expérience personnelle ne me laissent aucun doute à cet égard. En général, elles se prêtent difficilement à ces raffinements de débauche si pratiqués en Europe. Beaucoup ont subi la circoncision. Chez une pauvre fille que j ’ai examinée, les petites lèvres n’existaient plus, il ne res tait du clitoris qu’un petit pédicule inégal. On aurait dit que cet organe avait été arraché. Au-dessus, il y avait une bride transversale blanchâtre de tissu cicatriciel. Quelques femmes s’épilent le pubis par fantasia, ce mot résume tout ici. Les prostituées sont aussi capables de vengeance. Le 3 février 1862, j ’aperçus sur l’Esbelkieh une femme qui se battait avec un jeune Arabe. Elle l’égratignait, lui donnait des coups, lui déchirait les habits et elle finit par le mettre tout nu, sur l’Esbelkieh même, à côté du café Du val.


27f 30-1
To see the actual publication please follow the link above